Youssoupha, notre Jay-Z français ?

Oserais-je dire que c’est l’album de l’année ? Oui, parce-que c’est clairement ce que j’ai écouté de mieux depuis au moins un an en rap français ! Désolée mais le Noir désir de Youssoupha, je m’en remets pas. Et je suis pas la seule, apparemment…

On avait rarement vu un tel consensus sur le Twitter des hip-hopeurs! Depuis la sortie, lundi 23 janvier, du nouveau Youssoupha, les twitts ne cessent de tomber. Despo Rutti, Rim’K, Omar et Fred, Grodash, 20Syl d’Hocus Pocus, Tunisiano de Sniper… Tous les avis sont unanimes : Noir Désir, ça tue ! Et pour reprendre notre ami Mouloud Achour, il est clair que Youss’ signe ici son Blueprint à lui !

Qu’est-ce qui fait d’un album qu’on sent la différence avec les autres ? Bien difficile à dire. Sur les chemins du retour était un excellent opus, en 2009. Le Blédard devenu banlieusard y racontait, tel un fil rouge, son attachement à l’Afrique mais aussi ses amours déçus sur Apprentissage, son baby blues sur Le message ou ses souvenirs de MC sur 15 ans en arrière. A force de le dire et L’effet papillon sont des morceaux qui ont plutôt très bien marché.

Entre temps, il y a eu le buzz. Né de cette petite phrase dans A force de le dire, « Chaque fois que ça pète, on dit que c’est nous, j’mets un billet sur la tête de celui qui fera taire ce con d’Eric Zemmour », provoquant par la même un tollé médiatique et un procès (malheureusement perdu par notre lyriciste bantou préféré). Mais le buzz ne fait pas tout. Youss’ semble avoir acquis une nouvelle liberté. Pas de ton, bien sûr, puisqu’il ne s’est jamais censuré. Mais peut-être son départ de chez EMI pour créer sa propre structure, Bomayé Musik (Bomayé qui signifie « tue-le » en lingala) lui a ouvert de nouveaux chemins musicaux.

En tout cas, il a commencé par une géniale digitape, en 2011, En noir et blanc, avec des morceaux bien efficaces comme La foule II, Clashes, Revolver ou Rap Franc CFA, un de mes titres préférés !

Youssoupha – Rap Franc CFA

Couillu comme au moins 10 rockeurs, le rappeur n’a pas hésité à balancer comme tout 1er extrait de son nouvel opus un Menace de mort revenant directement et sans langue de bois sur le procès l’opposant à Eric Zemmour. Bénéficiant d’un clip hors pair (un concept déjà utilisé mais ultra bien réalisé quand même), ce morceau frôle le génie au niveau de l’écriture, ciselée et toujours très imagée comme de la production de Soul Children avec un violon lancinant et déchirant.

Youssoupha – Menace de mort Remix avec Sniper, Mr R et La Rumeur

On continue le carnage avec le très egotrip Irréversible, où ses qualités de rappeur sautent aux oreilles. Comme il le dit en souriant sur L’amour, le premier morceau de l’album, « bien sûr que le meilleur rappeur de France a un cheveu sur la langue. »

Youssoupha – Irréversible

Oui mais tout ça, ça fait pas forcément un Blueprint hexagonal !

Alors, qu’est-ce qu’on trouve en plus dans cet opus et qui fait de Noir désir un futur classique du rap français ?

 

1. Une énorme richesse dans les sons, des samples cainfr’, des rythmes Bollywood, de la soul, du funk. Tout ça super produit, of course, par Soul Children, Skalp et CHI.
2. Un travail d’écriture poussé à son extrême. Qui aime le rap aime les punchlines et ici, on n’a qu’à se baisser pour en trouver des dizaines par huit mesures.
3. De l’intime comme de l’egotrip ou du chanté. Youss’ tape dans tous les registres ! Il parle de son père, invite Corneille pour un pur morceau R&B, claque de grands coups de gueule sociaux ou critique le rap français actuel.
4. Il signe le grand retour de Kery James en l’invitant à la fin de son meilleur morceau, le très dubstep La vie est belle. Rien que pour ça, moi, je l’aime…