Triptik, unis comme les 3 doigts de la main !

Neuf ans qu’on les attendait ! Ce triptyque nous avait fait vibrer, marrer, danser et même réfléchir pendant 10 ans avant d’annoncer des projets solos en 2004. Snif, Snif, on a rangé nos mouchoirs à l’annonce de leur nouveau projet. Et quelle tuerie ! Il n’y a rien à jeter dans Depuis, leur EP de 9 titres. Dabaaz, Black’Boul et Drixxxé sont plus en forme que jamais, mâtures mais pas trop quand même. Je leur ai donc posé quelques questions pour savoir s’ils revenaient pour de bon ou s’ils allaient encore nous faire faux bond…

– 9 ans de « séparation » (d’attente, surtout, pour les fans). Pourquoi aussi longtemps ?

C’était pas vraiment voulu. Il nous fallait du temps pour digérer l’échec commercial de TR303 et la banqueroute de notre label Concilium Production qui ont conduit à cette « pause ». Personne ne sait aussi bien que nous ce qu’a coûté Triptik en terme d’investissement énergétique et/ou financier. L’indépendance à un coût et nous en avons payé le prix fort… C’est pourquoi il nous a fallu prendre du champ pour nous reconstruire individuellement et diversifier nos activités.

– Ça ne vous pas paru un peu « dangereux » de vous absenter (en groupe) aussi longtemps ?

Tant qu’aucun pronostique vital n’est engagé, rien n’est réellement « dangereux ». Encore une fois il nous fallait du temps pour digérer notre échec et il faut croire que comme l’amour, « l’orgueil a ses raisons que la raison ignore ».

– Au final, comment votre fanbase a réagi à votre retour : des reproches ou des câlins ?

L’accueil fait à notre dernier EP « Depuis » est ultra chaleureux et on n’en n’attendait vraiment pas tant. Avant l’annonce de notre EP chacun de nous 3 recevait régulièrement des témoignages d’impatience mais on ne s’imaginait pas qu’on recevrait autant d’amour. En même temps, on sait très bien que cette parenthèse enchantée ne durera pas éternellement parce qu’à mesure que les projets vont se multiplier et/ou prendre de l’ampleur, les détracteurs vont sortir du bois. C’est le revers malheureux de l’exposition et on l’accepte.

– Vous avez fini par vous retrouver en studio au moment où chacun est en plein projet solo. Pas très organisés ou vous êtes juste hyperactifs ?

La leçon qu’on a retenue de l’expérience Triptik pré-2004 c’est qu’il ne faut pas attendre après un seul et unique projet. Ce qui nous a un peu tué, c’était le fait qu’on attendait TOUT de Triptik : l’épanouissement, la réussite professionnelle et l’argent. Moralité : quand un cercle n’est plus vertueux, il devient vicieux… Par conséquent, il est indispensable de multiplier les projets pour ne pas se retrouver le bec dans l’eau. Et puis tout participe du même procédé, chaque projet individuel apporte son lot de rayonnement à Triptik.

– L’EP est très abouti mais il respire surtout la liberté surtout dans les prods (« Pas de doute », « Bande de followers », « En haut », Juste dingues). Ça vient d’ou ?

On ne s’est jamais fixé de limite dans l’élaboration de notre musique. Le hip hop a cette particularité de pouvoir transformer n’importe quel courant musical en hip hop, justement. Toutes les musiques peuvent donc devenir hip hop et comme nous aimons beaucoup de styles de musique, il était écrit que cette diversité se retrouverait d’une manière ou d’une autre sur nos disques.

– Quand on a fait chacun son petit bout de chemin, comment on fait pour se mettre d’accord sur les textes, les sons… ? C’est pas plus compliqué qu’avant ?

Bah non parce que quand on se met à créer seul, au bout d’un moment on se rend compte que la création de manière collégiale a ses avantages pour peu qu’on se fasse déjà confiance. On a beaucoup plus d’idées à plusieurs et une idée peut être affinée plus efficacement quand elle est confrontée aux critiques de personnes qu’on apprécie humainement et artistiquement. Et puis dans notre cas de figure, on a quelques automatismes entre nous qui permettent de faciliter le tout. On connait déjà nos forces et nos faiblesses respectives donc tout est plus simple. Etant donné qu’aucun de nous n’a arrêté de faire de la musique pendant cette trêve, l’alchimie qui opère quand on est tous les 3 est repartie exactement là où on l’avait laissée. Logiquement, le meilleur reste à venir haha!!!

Triptik – Papa

– Vous avez dit dans une interview que « le rap a 20 ans, c’est plus pareil qu’à 35 ans. » D’où des titres comme « Papa » ou « la moitié de moi » ? Ça n’aurait pas été possible avant ?

Disons que la fougue de la vingtaine empêche bien souvent de développer des morceaux réfléchis sur des sujets aussi particuliers que la vie de couple ou la paternité. Dans ce cas précis, l’expérience personnelle permet d’être plus pertinent dans l’écriture et ça amplifie d’autant plus le côté fédérateur du morceau concerné parce que les auditeurs se reconnaissent et s’identifient plus facilement.

– Dans « bande de followers », vous expliquez votre rapport aux réseaux sociaux. Est-ce que, ça aussi, ça a changé votre façon de voir le monde et de le raconter ?

Les réseaux sociaux ont apporté une proximité de tous les instants, il n’y a plus de distance entre producteurs et consommateurs de musique; tout le monde est potentiellement accessible. Ce procédé a ses bons côtés (encouragements en direct, plans potentiels) mais des phases nettement plus reloues comme quand quelqu’un se croit tout permis caché derrière son clavier… Comme pour toute relation humaine, tout est question de dosage et de savoir-vivre…

– Vous qui adorez la scène, dans quelle mesure et comment avez-vous construit des morceaux faciles à jouer en live ?

Wow, on ne peut pas vraiment dire qu’on paramètre nos morceaux en fonction du live. Il nous arrive même souvent de constater après qu’un morceau a du potentiel sur scène, même s’il est vrai que le choix de l’instru pèse sur l’efficacité scénique d’un titre. Néanmoins, si le titre en question n’est pas amené par un enchaînement pertinent au fil d’un concert bien souvent son effet retombe.

Triptik – Ça fait plaisir

« Ca fait plaisir » de vous retrouver mais vous, quand vous vous êtes retrouvés pour la 1ère fois, tous les trois, à travailler ensemble sur un nouveau titre, ça vous a fait plaisir ou c’était chaud ?

« Depuis » est né d’une réelle volonté joyeuse de chacun d’entre nous de refaire du Triptik. Même si une sortie d’album, de ep, de morceau ou de clip a toujours un côté laborieux en indé, le dénominateur commun de tous les « chantiers » que nous menons ensemble (Triptik, Can I Kick it?, etc…) est désormais l’Envie.

Entre 2 Tours : Mon top 10 du rap engagé

« Petite Ade, on avait dit qu’on ne parlait pas de politique ! » « Oui, je sais, le blog, mais quand même le rap, c’est une musique à message, on peut pas faire comme si les Mc’s n’avaient jamais lutté contre le pouvoir en place ! » « Pfff, encore des relents de ton éducation coco, ça ! » « Allez, le blog, laisse-moi publier juste 10 petits morceaux engagés du rap français. » « Bon, OK, mais t’iras pas te plaindre si on te reproche d’être subjective, alors ! » (Non, non, cette discussion n’a absolument rien de schizophrénique)

Donc voici, pour fêter à ma manière une élection présidentielle toute moisie et inintéressante (mais à laquelle il est super important de participer – petit message citoyen qui va bien), le Top 10 de mes morceaux engagés préférés (rap, faut-il le préciser…). Bien entendu, qui dit Top 10 dit que j’en ai oublié un million, mea culpa, mea maxima culpa, les autres, je vous aime aussi mais 10, c’est 10 !

Assassin – L’état assassine (Le morceau qui a forgé ma culture rap, celui par lequel je suis arrivée à cette belle musique. Mythique tant par ses textes fuselés que par sa rythmique impeccable et son a-propos qui n’a pas pris une ride)

NTM – Police (LE morceau polémique par excellence. Mais en dehors du côté historique, écoutez les textes c’est encore malheureusement tout à fait d’actualité)

IAM – Le nouveau président (Le groupe marseillais aussi savait mettre de gros tacles au pouvoir, toujours avec humour)

Scred Connexion – Avec c’qu’on vit (Ça, c’est pour les vieux, ceux qui kiffaient Fabe et qui voyaient dans la Scred, groupe parigot bien avant la Sexion, le crew des meilleurs lyricistes français)

11’30 contre les lois racistes (Comment on l’a tous écouté en boucle et en boucle ce méga single super long sur lequel on pouvait retrouver AKH, Ministère AMER, Kabal, Ménélik, Yazid!)

Casey – Chez moi (Chez elle, tout est engagement, c’est juste une bête de Mc et de meuf et j’adore ce morceau qui nous montre la Martinique sous un autre regard)

Médine – Boulevard Auriol (Pour ne jamais oublier que la négligence de l’Etat tue, on peut compter sur la plume sans concession de Médine)

Axiom – Ma lettre au president (Mon autre rappeur du chnord préféré, Axiom est un auteur hors-pair, qui a parfois été pénalisé par sa trop grande liberté de ton. J’adhère en bloc)

Keny Arkana – La Rage (La première rappeuse alter-mondialiste galvanise les foules et les fans et ça fait du bien, un petit vent frais de révolution)

Kery James – Lettre à la république (Alors qu’il est revenu en force, montrant à tous sa suprématie en scandant ses sublimes textes en acoustiques, il nous a offert un nouveau titre qui met au pilori le colonialisme et le rejet d’une immigration rejeté bien que choisie à l’origine. Magistral !!!)

La Rumeur – Hors Sujet (Les pamphlétaires parisiens reviennent battre le pavé et se révèlent être plus dans l’actu que jamais avec le 1er extrait de leur excellent nouvel opus, Tout Brûle Déjà)