Mac Miller, ni Eminem ni Asher Roth !

La première fois que j’ai entendu parler de lui, oserais-je l’avouer, je me suis dit : « oh non, pas encore un joueur de basket qui se met au rap ! » Pas de risque, rien à voir avec le géant de la NBA Mike Miller (shame on me)… Ici, on a à faire à un vrai rappeur, de Pittsburgh, blanc (mais on s’en fout un peu de sa couleur de peau, non ?), qui enthousiasme les foules depuis quelques mois avec son flow impeccable, son univers 90’s un peu nostalgique et ses délires d’ados version Skins.

Malcolm McCormick connait bien ses classiques malgré sa toute petite vingtaine d’années. Sur son excellent morceau Party Fifth Avenue, il sample un beat ultra connu ! Celui de Let Me Clear My Throat, l’énorme tube de DJ Kool en 1996, qui l’avait déjà volé à The 45 King sur leur instrumental The 900 Number sorti en 1987. Vous reconnaissez certainement le saxo qui a, ici, été ralenti et retravaillé…

Mac Miller – Party on Fifth Avenue

Mais là, je prends un peu l’histoire à l’envers. Petit flash-back pour présenter le jeune homme….

Gentil gamin de Pittsburgh, qui a partagé les bancs de l’école avec son poto Wiz Khalifa, Mac Miller est un musicien autodidacte qui découvre le rap assez tôt. À 18 ans, Mail sort sa toute première mixtape intitulé K.I.D.S. (Kickin’ Incredibly Dope Shit) qui l’aide à signer avec Rostrum Records, le label, à l’époque, de… Wiz Khalifa ! Suivront quelques 5 autres tapes qui vont créer le buzz autour de ce très jeune homme. Bien dans son temps, il commence à se faire connaitre avec une série de vidéos de mieux en mieux réalisés, balancées sur le net peu avant l’été 2010. Son beat est clairement hip-hop soul avec des influences du côté de Big L, Lauryn Hill, The Beastie Boys, Outkast, A Tribe Called Quest… Mais avec de bonnes grosses touches d’electro-hip-hop comme sur son premier single survitaminé Frick Park Market.

Mac Miller – Frick Park Market

Et sinon, du côté des textes, ça parle de quoi ? Soyons honnêtes, c’est un juste milieu entre un film de Larry Clark et un épisode de la série british génialement glauque Skins. Ça parle de meufs, de cigarettes qui font rire, de skate, de grosses teufs de djeun’s et de grands moments de vide, genre branlitude extrême. Forcément, on pense à Eminem et à tous ceux qu’on a targué injustement de Slim Shady-tude : Orelsan, Asher Roth, Professor Green… C’est vrai qu’on retrouve ici la même fraîcheur, le même sens inné du second degré et la même technique impeccable.

La différence alors ? Béh, justement, c’est dans la même veine mais c’est juste du… Mac Miller ! Si vous aimez le gâteau au chocolat, vous kiffez forcément les Brownies. Hé bien, si vous aimez ce genre d’artiste, vous apprécierez forcément les 16 titre de l’excellent Blue Side Park, 1er album de Mac sorti à la fin de l’année dernière ! Avec, en plus, des morceau bien old school revisités comme ce très bon Under The Weather ou le très coulant Of The Soul. Pour le reste, je vous laisse vous jeter dessus !

Youssoupha, notre Jay-Z français ?

Oserais-je dire que c’est l’album de l’année ? Oui, parce-que c’est clairement ce que j’ai écouté de mieux depuis au moins un an en rap français ! Désolée mais le Noir désir de Youssoupha, je m’en remets pas. Et je suis pas la seule, apparemment…

On avait rarement vu un tel consensus sur le Twitter des hip-hopeurs! Depuis la sortie, lundi 23 janvier, du nouveau Youssoupha, les twitts ne cessent de tomber. Despo Rutti, Rim’K, Omar et Fred, Grodash, 20Syl d’Hocus Pocus, Tunisiano de Sniper… Tous les avis sont unanimes : Noir Désir, ça tue ! Et pour reprendre notre ami Mouloud Achour, il est clair que Youss’ signe ici son Blueprint à lui !

Qu’est-ce qui fait d’un album qu’on sent la différence avec les autres ? Bien difficile à dire. Sur les chemins du retour était un excellent opus, en 2009. Le Blédard devenu banlieusard y racontait, tel un fil rouge, son attachement à l’Afrique mais aussi ses amours déçus sur Apprentissage, son baby blues sur Le message ou ses souvenirs de MC sur 15 ans en arrière. A force de le dire et L’effet papillon sont des morceaux qui ont plutôt très bien marché.

Entre temps, il y a eu le buzz. Né de cette petite phrase dans A force de le dire, « Chaque fois que ça pète, on dit que c’est nous, j’mets un billet sur la tête de celui qui fera taire ce con d’Eric Zemmour », provoquant par la même un tollé médiatique et un procès (malheureusement perdu par notre lyriciste bantou préféré). Mais le buzz ne fait pas tout. Youss’ semble avoir acquis une nouvelle liberté. Pas de ton, bien sûr, puisqu’il ne s’est jamais censuré. Mais peut-être son départ de chez EMI pour créer sa propre structure, Bomayé Musik (Bomayé qui signifie « tue-le » en lingala) lui a ouvert de nouveaux chemins musicaux.

En tout cas, il a commencé par une géniale digitape, en 2011, En noir et blanc, avec des morceaux bien efficaces comme La foule II, Clashes, Revolver ou Rap Franc CFA, un de mes titres préférés !

Youssoupha – Rap Franc CFA

Couillu comme au moins 10 rockeurs, le rappeur n’a pas hésité à balancer comme tout 1er extrait de son nouvel opus un Menace de mort revenant directement et sans langue de bois sur le procès l’opposant à Eric Zemmour. Bénéficiant d’un clip hors pair (un concept déjà utilisé mais ultra bien réalisé quand même), ce morceau frôle le génie au niveau de l’écriture, ciselée et toujours très imagée comme de la production de Soul Children avec un violon lancinant et déchirant.

Youssoupha – Menace de mort Remix avec Sniper, Mr R et La Rumeur

On continue le carnage avec le très egotrip Irréversible, où ses qualités de rappeur sautent aux oreilles. Comme il le dit en souriant sur L’amour, le premier morceau de l’album, « bien sûr que le meilleur rappeur de France a un cheveu sur la langue. »

Youssoupha – Irréversible

Oui mais tout ça, ça fait pas forcément un Blueprint hexagonal !

Alors, qu’est-ce qu’on trouve en plus dans cet opus et qui fait de Noir désir un futur classique du rap français ?

 

1. Une énorme richesse dans les sons, des samples cainfr’, des rythmes Bollywood, de la soul, du funk. Tout ça super produit, of course, par Soul Children, Skalp et CHI.
2. Un travail d’écriture poussé à son extrême. Qui aime le rap aime les punchlines et ici, on n’a qu’à se baisser pour en trouver des dizaines par huit mesures.
3. De l’intime comme de l’egotrip ou du chanté. Youss’ tape dans tous les registres ! Il parle de son père, invite Corneille pour un pur morceau R&B, claque de grands coups de gueule sociaux ou critique le rap français actuel.
4. Il signe le grand retour de Kery James en l’invitant à la fin de son meilleur morceau, le très dubstep La vie est belle. Rien que pour ça, moi, je l’aime…

A$AP Rocky, le bad boy qui monte, qui monte…


Chaque année du hip-hop porte son lot de jeunes espoirs aux dents plus ou moins longues.A$AP Rocky a les crocs super acérés et pourrait mordre ses collègues jusqu’au sang… Alors qu’il vient de sortir son dernier clip, Wassup, où il se prend gentiment pour Tony Montana, retour sur un phénomène en devenir!

A$AP Rocky – Wassup

En 2011, l’on a donc découvert (enfin, moi, c’est mon pote Silent Hype qui m’a ouvert les oreilles) cet énergumène adepte de gros Blunts (un rappeur qui fume de la drogue, comment c’est trop original !), de Blings, de postures de super méchant Bad boy qui va te défoncer ta gueule sous peu, de poses avec des tas de Billets verts. Les 4 « B » préférés des rappeurs qui se la jouent un peu ! Bref, à l’ouest, rien de bien nouveau.

Alors je me suis penché sur son cas. Parce que, si on a vu passer son nom un peu partout sur les sites de hip-hop ricain (et français), ça devait quand même bien être pour quelque chose ! Côté parcours, toujours pas vraiment de l’inédit. Dés ses 12 ans, le jeune homme originaire de Harlem n’a plus trop vu son paternel, incarcéré pour vente de drogues. Un an plus tard, on continue dans le super joyeux, son frère ainé a été tué juste à côté de chez eux. Celui qu’on avait appelé Rakim en partie en hommage à Eric B. & Rakim se met alors très sérieusement au rap. Un peu bagarreur, il récolte le surnom de Rocky. Grand fan du gangsta rap des années 90 et du groupe de chez lui The Diplomats,  il se lance à fond dans la musique dés l’adolescence, complétant son blaze d’un A$AP pour « Accumulate Status And Power ».

Ça, c’est donc pour la petite histoire. Pour celle de la musique, il déboule au début de l’an dernier avec Get High, apologie de la fumette. Sympa, assez léger, on attend d’écouter la suite…

A$AP Rocky ft. Dee FERG – Get High

En juillet arrive Purple Swag. Le flow est si lent et lancinant qu’on dirait que le Mc a enregistré sous l’emprise de substances illicites.Couillu, quand même, quand on vient de la grosse pomme, de rapper comme un vrai sudiste ! Enfumé, le morceau se traine sur un violon fatigué et fait mal aux oreilles tant il est efficace.

A$AP Rocky – Purple Swag

Débarque ensuite le très bon et plébiscité Peso.

ASAP Rocky – Peso

Le style d’ASAP est confirmé avec sa première mixtape officielle sortie en octobre, LiveLoveA$AP. Le jeune homme aime le rap sous prod’, tout nuageux, super egotrip, qui parle de mecs fonce-dés qui s’éclatent avec des meufs et rêvent de thunes. Ça « motherfuck », ça « thug » et ça « swag » à tout va. C’est du rap un peu dérangé et, même si certains voient en lui une pâle copie de l’excellent Curren$y, ASAP défonce joyeusement tout sur son passage. Les meilleurs morceaux, les plus perchés, étant ceux qu’il signe avec son pote producteur Clams Casino. Comme ce très onirique, version nightmare, Palace.

A$AP Rocky – Palace

En attendant l’album, la tape est en téléchargement gratos. On aurait tort de se priver…

Dry déboule cagoulé !

Le nouveau D.R.Y arrive le 20 Février. « Tôt ou Tard », il va bien falloir que ce Mc d’exception rencontre enfin le succès qu’il mérite !

Ça fait partie des grandes frustrations, quand on est journaliste. Il arrive toujours un moment où l’on se passionne pour un artiste… et où l’on se retrouve un peu seul-tout ! J’avoue, moi, ça m’arrive souvent parce que je suis une grande spécialiste des coups de cœur. Et c’est encore pire quand je rencontre les artistes en question et qu’ils sont sympas. Malheureusement, en dehors de 3-4 exceptions (le récent Childish Gambino, Adèle il y a quelques années, Imany, Kanye West à ses débuts), mes grandes passions n’ont pas vraiment connues les succès publics qu’elles méritaient… Qui a vraiment entendu parler des Frer 200 ? D’Abass Abass ?  De C.Sen ? De Milk Coffee & Sugar ? De ME ? Foreign Beggars ? Graine de caf ? Hyro Da Hero ?

Pas grand monde, il faut être honnête. Mais je m’en fous, moi, je continue mon combat le poing levé, sûre de mes goûts. L’un de mes chouchous depuis des années, tout le monde le connait, c’est un membre de la Mafia K’1 Fry, du groupe Intouchable et du label Wati-B. Pour moi, c’est l’un des rappeurs les plus doués de sa génération, du fait de son passif et de son ouverture d’esprit. C’est aussi le congolais qui a le plus grand sourire et le plus grand cœur au monde (on dirait pas, mais je crois que j’ai des racines marseillaises, moi…).

Il s’appelle donc Dry, D.R.Y pour les intimes et il a sorti en septembre 2009 un petit bijou, Les derniers seront les premiers, 1er album solo très injustement passé inaperçu ! Petite présentation . Il a le physique d’un adolescent mais une carrière de warrior. Landry, 32 ans, né à Villepinte, est resté très attaché à la ville qui l’a vu grandir, Orly. Avec son physique atypique, grand et tout sec, son immense sourire qui réchauffe le cœur et sa douceur angélique, il n’était pas forcément prédestiné à devenir rappeur. C’est un peu son environnement qui a choisi pour lui. Marqué par le jeune Kery James, il a rencontré très tôt Jessy Money, Teddy Corona et, surtout, Demon One. A 18 ans, Landry devient Dry mais préfère toujours rester en second plan. Il est plus du genre à regarder les autres faire leurs freestyles et assurer les backs des autres. C’est Kery James qui, le 1er, l’oblige à poser pour de vrai sur l’album de la Mafia K’1 Fry, Légendaire, en 1999. A force d’encouragement, Dry suit ses potes Demon et MS pour former Intouchable. LA$ et Mamad, disparus aujourd’hui, font également partie des fondateurs du groupe mais suite à de nombreux incidents sur lesquels aucun membre de la Mafia n’a jamais aimé s’étendre, Intouchable finit en duo.

Dry pose sur tous les albums de la Mafia K’1 Fry et sort avec Intouchable  Les Points sur Les I en 2000, le maxi I Have a Dream en 2001, Original Mixtape et La Vie De Rêve en 2005. Demon sort Mon rap en 2007, Demons et merveilles en 2009 mais Dry, lui, n’est pas encore sûr d’être prêt à passer en pole position. Il faudra attendre l’enregistrement de son street album, De la pure pour les durs, sorti en avril 2008, pour qu’il se prenne au jeu. Le public, par ses bons retours, lui montre qu’il est finalement très attendu. Le « renoi til-gen, toujours souriant » sort alors en septembre 2009, Les derniers seront les premiers, aidé par ses potes de Wati B. Les textes sont écrits avec le cœur comme La pièce, un titre intelligent sur les SDF. Chacun de ses 22 titres est empreint d’une réalité brute et touchante. Les prods sont tout ce qu’il y a de plus éclectique, du funk dansant de Kick dur aux violons angoissants de Technik en passant par les basses électro saturées de Fidèle au poste.

Hé vous avez vu, dans le clip, presque toute la Sexion d’Assaut est dans la place !

Dry – Fidèle au Poste

Il aurait pu être quelque peu dégouté de l’accueil pas du tout à la hauteur de son talent qu’a reçu son premier bébé. Mais Dry n’est pas du genre à baisser les bras et sort, le 20 février 2012, un nouvel album Tôt ou Tard.

Les premiers extraits annoncent du bien lourd, comme cet excellent L’amiral, ici avec le clip version longue non censurée.

Dry – L’amiral
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Et surtout, le génial 2nd extrait, Cagoulé, bien sous tension!

Dry – Cagoulé

La suite au prochain numéro !

Childish Gambino, comico-DJ-rappeur aux 1000 talents

Ne vous fiez pas à cette photo, Childish Gambino adore se mettre en scène. Et non, ce n’est pas une pic’ des années 60, Donald Glover est un Mc bien d’aujourd’hui !

C’est mon coup de cœur de la fin de l’année dernière. Je l’ai découvert, un peu par hasard, sur Deezer. Son album Camp (sorti début décembre 2011 aux States) est déjà en ligne même s’il ne sortira pas, officiellement, en France, avant quelques mois. Qu’importe ! Cet énergumène-là est des plus passionnants, dans sa musique comme dans son parcours…

Après être allée fouiller un peu sur le net, je me suis rendue compte que je n’étais quand même pas la seule à avoir découvert cette petite perle puisque Pitchfork me donne raison en portant Camp aux nues.

Laissez-moi, donc, vous présenter mon petit chouchou de ce début d’année :

Donald Glover n’a absolument rien à voir avec l’acteur Danny Glover. Pourtant, son talent d’acteur n’est plus à démontrer de l’autre côté de l’Atlantique. S’il est aujourd’hui connu pour son rôle de Troy Barnes, la star du foot de la série hilarante Community, sa carrière ne date pas d’hier. Contrairement à ses amis rappeurs ricains, Donald n’a jamais vendu de crack mais est  un bon gros dealer de blagues et de bons mots depuis de longues années. A 22 ans seulement, il écrit déjà de bonnes vannes pour l’émission The Daily Show puis pour la série 30 Rock. Jeune prince du stand-up, il fait partie de la compagnie au nom déjà bien fandard, Derrick Comedy. Mais Donald Glover n’a pas qu’un seul talent. Il se cache sous différents noms pour créer sa musique des plus enthousiasmantes. En tant que producteur de morceaux originaux et ultra bien mixés, il se fait appeler Mc DJ. Ses prods sont taillées au cordeau, entre hip-hop et électro, on adore ! Toujours bourré d’humour et de sarcasmes, il aime écorcher la jeunesse américaine et parler de ses angoisses suicidaires ou alcooliques, tout comme il le fait dans la série Community.

En 2010, il sort un EP bien remarqué, Be Alone. Et le clip du morceau Freaks and Geeks démontre déjà tout le potentiel cynique et d’auto-dérision du rappeur.

Childish Gambino – Freaks and Geeks

Le petit génie sait donc aussi bien tâter du micro que des programmes de la MPC. Il a sorti son premier album, Sick Boi en 2008, puis Poindexter en 2009, les mixtapes  I Am Just A Rapper et I Am Just A Rapper 2 en 2010 et le 3ème album Culdesac la même année. En France, c’est avec l’album Camp qu’on va le découvrir.  Celui qui a créé son blaze grâce à un générateur de noms balancé sur le web par le Wu Tang Clan nous offre 13 titres tous différents, de l’angoissant Bonfire au joyeux Sunrise en passant par le plus doux et dance Heartbeat et le très enfantin, carrément R&B Kids. Le flow est ultra précis, nasillard et douloureux, faisant penser à un mélange entre Eminem et Lil Wayne. Du côté des prods, on est dans le tellement travaillé qu’on pense forcément à Kanye West ! Et côté textes, on trouve de la tendresse, de l’humour, de l’ironie, de l’analyse de notre monde actuel. C’est tellement bon qu’on aimerait pouvoir se rouler dedans.

Mon morceau préféré à moi , c’est Outside, un truc bien choral où l’on ressent vraiment bien le mélange Lil Wayne-Kayne West-Wiz Khalifa. Alors, je fais tourner allègrement!

Childish GambinoOutside