Flynt, le rap en arabesques

Il y a les artistes qui provoquent un coup de coeur et ceux qui deviennent des classiques presque à la première écoute. Flynt m’a tout de suite séduite par ses textes. On parlait de lui depuis quelques années comme l’une des plus belles plumes du rap français. Mais mieux, l’esthète fait partie de ces rares Mcs dont on découvre à chaque écoute de nouvelles subtilités linguistiques. Ici, pas de bling bling, pas de surenchère, juste de l’encre indélébile qui rappe dur et sincère. Forcément, son 1er opus, J’éclaire ma ville, m’avait laissé sur ma faim, persuadée que le rappeur originaire du 18ème arrondissement pouvait pousser son écriture encore plus loin. 5 ans plus tard, son second album arrive comme une cerise sur le gâteau, un petit supplément d’âme… Forcément, il fallait que je le rencontre ! Interview exclusive !

Te rappelles-tu de ta 1ère rencontre avec le rap ?
C’était avec H.I.P H.O.P et Rapline. Je regardais ces deux émissions à la télé quand j’étais petit.

Qu’est-ce qui t’a plu en 1er dans cette musique ?
La musique en elle-même, son style, le son, le rythme. Le fait que c’était nouveau aussi.

Quand t’es-tu dit : je vais devenir un rappeur ?
Jamais ! Je ne me suis jamais dit : « je vais ou je veux devenir rappeur ». Je suis tombé dedans comme ça.. Là où j’ai grandi tout le monde s’est essayé au rap à un moment donné. Certains ont arrêté ou n’étaient pas faits pour ça, d’autres ont continué plus ou moins sérieusement. Moi j’ai continué parce qu’on me disait que j’étais bon. Alors oui aujourd‘hui je sors un deuxième album totalement autoproduit, je sais rapper, j’essaie d’en faire le mieux que je peux mais ça n’a jamais été un objectif de vie et encore moins un rêve… Je considère que c’est une corde à mon arc, un savoir-faire que j’ai et que je cultive à fond. C’est comme un plus dans ma vie, je ne fais pas que ça.

Tu as enchaîné les compiles et les maxis avant de sortir, en 2007, ton 1er album. Pourquoi avoir attendu aussi longtemps ?
Rien n’a jamais été forcé dans mon évolution dans le rap, j’ai décidé de faire un album quand il s’est imposé à moi parce que le moment était venu. Et puis faire un album ça prend du temps, c’est beaucoup de travail, un peu plus de 3 ans en ce qui me concerne pour le premier, pareil pour le 2ème.


Ton 1er album parlait beaucoup de ta ville, Paris. Comment t’inspires-tu d’elle dans ton écriture ?
Très naturellement… dans mes textes, je parle de ce que je pense, de ce que je ressens, de ce que je vis, je parle de ce que je connais donc de mon environnement.

A l’époque de J’éclaire Ma Ville, on t’a présenté comme un proche de La Rumeur. Quelles sont tes points communs avec ce groupe bien à part au sein du rap français ?
Je ne suis pas ce qu’on peut appeler un « proche » de La Rumeur, Ekoué et moi on habitait à 100 mètres l’un de l’autre pendant longtemps, alors on se croisait, on tapait la balle ensemble parfois et puis j’aime bien discuter avec lui, on s’entend bien. On a fait 2 titres ensemble à l’époque. Je connais très peu Philippe et pas du tout Hamé, ni Mourad. Ceci dit La Rumeur est un groupe que j’apprécie et le point commun que je pense avoir avec eux c’est d’être resté droit dans mes bottes depuis le début, ce groupe a une éthique et une démarche auxquels ils sont restés fidèles, ce ne sont pas des girouettes et je n’en suis pas une non plus.

Sur Itinéraire Bis, ton « pote », c’est Orelsan. Pourquoi l’avoir choisi sur ce titre ?
J’ai rencontré Orelsan par hasard dans un studio il y a près de 2 ans et demi, on a bien discuté, le courant est passé. On a échangé nos contacts. On s’est reparlé plusieurs fois avant que je lui propose qu’on fasse un titre ensemble sur mon album. Cela s’est fait de manière naturelle, on s’entend bien, c’est un mec bien et très professionnel en plus de ça. Alors quand j’ai voulu écrire un titre un peu plus léger, voire drôle pour mon album, j’ai pensé à lui, son style correspondait tout à fait au track que je voulais faire, il écrit très bien et puis surtout, encore une fois, on s’entendait bien. C’était devenu évident de lui proposer. Le thème nous l’avons choisi ensemble, l’instru aussi, ça a été un travail collaboratif.

Flynt – Haut la main

On retrouve sur ce nouvel opus ton goût pour la mixité musicale et, notamment, les boucles soul. As-tu travaillé cet album différemment, musicalement parlant ?
Alors à propos de mon goût pour la mixité musicale heu bof.. je suis quelqu’un qui aime le rap quand ça sonne rap, tous les instrus d’Itinéraire bis c’est rap il y a peu de mixité je trouve même si les beatmakers présents sur l’album ont des touches et des façons différentes de travailler et de faire sonner leurs instrus. Et il y a peu voir pas du tout de boucle soul dans Itinéraire bis contrairement à J’éclaire ma ville.. Mais je n’ai pas travaillé cet album différemment du premier musicalement parlant. Parmi les instrus qu’on me proposait, j’ai choisi ceux que j’ai estimé être les meilleurs et ceux sur lesquels je me sentais le plus à l’aise ou qui m’évoquaient quelque chose. Il m’a fallu un peu plus de 3 ans pour trouver 13 instrus. Je n’avais pas de réelle direction artistique au niveau des musiques, je ne recherchais pas une couleur en particulier, j’ai marché comme toujours au feeling et je n’ai suivi qu’une seule direction, un seul objectif : faire mieux que le premier album et trouver des instrus fracassants qui fassent bouger les têtes. J’ai la chance d’avoir travaillé avec d’excellents beatmakers, Nodey, Soulchildren, Just Music, Angeflex et Fays Winner. Ce disque c’est aussi le leur.

Tu aimes passer du temps à écrire tes textes, à les triturer. C’est pour ça qu’il y a 5 ans entre les deux albums ?
Ecrire me prend du temps, je suis laborieux, pointilleux, perfectionniste. Je n’ai pas les capacités pour écrire vite et bien, ça m’arrive mais assez rarement. J’aime retourner une phrase, une rime ou une idée dans tous les sens oui mais j’aimerai quand même aller plus vite. Cela explique en partie le temps qui s’est écoulé entre les 2 albums, mais pas seulement. Après J’éclaire ma ville, je me suis consacré à la préparation des scènes et puis j’ai eu besoin de souffler et de vivre pour pouvoir me replonger dans mon quotidien et m’en inspirer. J’ai dit beaucoup de choses dans J’éclaire ma ville et pour écrire de nouvelles chansons j’ai eu besoin de vivre ma vie. Après, 3 ans pour faire un album, je parle d’un bon album, je ne trouve pas ça délirant. Enfin et c’est une raison importante, je suis producteur de ce 2ème album, j’ai tout coordonné et financé seul, en totale indépendance. Donc forcément ça prend plus de temps surtout avec un budget réduit.


Pourquoi Itinéraire Bis ?
Pour plusieurs raisons. Ce titre illustre le chemin que j’ai emprunté dans la musique. Je trace mon propre chemin, hors des sentiers battus et des autoroutes. Je vais moins vite que d’autres mais je suis libre. Et puis il y a le « bis », pour « deux », le 2ème album. Bis pour la dimension du rappel aussi. J’entend dire que c’est « le retour de Flynt », moi je dis que c’est un rappel, le rappel du public qui veut que je revienne sur scène pour donner une suite au spectacle, c’est le public qui m’a poussé à m’obstiner à faire ce 2ème album et je l’en remercie.

Olivier Cachin : Dans les coulisses de sa KassDED

Comme dans tous les milieux, entre journalistes, on a aussi nos chouchous. Il y a ces personnes que l’on croise à chaque écoute, à chaque interview et que l’on salue sans vraiment les connaitre. Et puis il y a ceux pour lesquels on a une vraie tendresse. Il y a dix ans, je rencontrais le grand (enfin, on se comprend) Olivier Cachin en tant que rédacteur en chef au magazine Radikal. Cette Institution rappologique est devenue un peu mentor, surtout ami, toujours avec la même admiration. Il était évidemment logique qu’il fasse partie des 1ers invités de la KassDED ! Et c’est avec truculence et bonhomie qu’il s’est livré à l’exercice !

Olivier Cachin – La KassDED (avec Katsuni, Oxmo Puccino, Haterz…)

C’est donc un matin de septembre qu’arrive Monsieur Cachin au studio de KassDED. L’ex-animateur de Rap Line, rédacteur en chef de multiples magazines de rap, écrivain aux diverses musicalités et surtout grand spécialiste devant l’éternel des sciences hip-hopiennes est un personnage immédiatement sympathique. Toute l’équipe a très envie de le rencontrer, de lui parler, de profiter de son inénarrable science. Car s’il est une chose qu’aime Monsieur Cachin, c’est bien partager ses connaissances. Depuis quelques mois, il les partage avec frénésie avec… Twitter. Le Twit a pris une place très importante dans sa vie et c’est à grands coups de sourires et d’insistance que nous arrivons, au bout de quelques minutes, à lui faire lâcher son portable. Parce que, chez nous, on ne live-twitte pas pendant les interviews !

C’est dans une grande bonne humeur que s’enchaînent alors les interviews. Ma grande peur : que les réponses soient trop longues. Je n’ose pas demander à l’interviewé de réduire son temps de parole. Et là, magie du professionnalisme et des années d’expérience, Olivier se cale immédiatement sur le rythme ! 1ère question  » Qui pourrait écrire ta bio à toi ? », d’Oxmo Puccino et première vanne au milieu : « Il faudrait trouver un rappeur qui sache écrire ! » Rires puis habile piroutette : « Je veux dire, bien sûr, autre chose qu’un texte de rap que je serais incapable d’écrire! » Ca commence bien !

Mais derrière la facette facétieuse, le professeur Cachin n’est pas très loin. Et l’on en apprend un peu plus, au fur et à mesure des questions, sur la bande-originale du film The Phantom Of The Paradise, sur l’histoire du rap, sur Marylin Monroe et, un peu, sur Olivier Cachin lui-même !

Certains se demanderont alors quels liens entre le journaliste érudit et l’ancienne actrice de films olé olé (oui, je fais ma mijorée), la sublime Katsuni… Ceux qui les suivent sur mes réseaux sociaux savent. La preuve que de belles amitiés peuvent naître sur la toile et se se renforcer dans la « vraie vie ». Comme quoi, pour paraphraser le grand maître : « J’ai une vie à côté mais je préfère quand même Twitter. »