1995, rappeurs à suivre…

On les appelle 1995, 1.9.9.5. ou encore Un-Double Neuf-Cinq. Peut importe leur blaze, ces cinq Mcs se sont imposés avec un culot monstrueusement génial comme la relève du rap français. Tout le monde a son avis sur ce nouveau crew. Moi, je me suis défoncée aux 16 titres de leurs 2 EP et je suis devenue accro. Chronique d’une dépendance annoncée…

J’entends déjà très clairement le hipster hip-hopeux de base me dire : « non, mais tu débarques ma pauvre Adeline, les 1.9.9.5, ça fait mille ans que tout le monde connait! » Alors, non, je n’ai pas découvert Sneazzy, Areno Jaz, Alpha Wann, Nekfeu, Fonky Flav’, et DJ Lo’ à la sortie de La suite, leur dernier EP, le 5 Mars dernier. Je vous rassure tout de suite, je sucre pas encore les fraises. Mais je dois avouer qu’il m’a fallut du temps avant de dire : j’adore. Même : j’aime bien. Peut-être parce que les mélodies de ces gamins 100% décomplexés du slip, qui pillent le rap français d’avant en lui faisant un gros doigt, qui se prennent pour des super héros, sont bien plus complexes qu’elles n’y paraissent. Il y a déjà beaucoup de second degré dans les textes de ces quatre garçons dans le vent qui ne se prennent pas du tout au sérieux (si, si, des rappeurs humbles et rigolos, ça existe !). Mais alors leurs prods, principalement backées par DL Lo et Fonky Flav’, ils font s’y plonger dedans pour tout bien entendre. Ici, un saxo sonne, là, des scratches grattent alors que les doux beats accueillent bras ouverts les flows chaloupés ou saccadés de rappeurs dont le talent n’a jamais attendu la nombre des années.

1995 – La Suite

Pour la petite histoire, 1995, est un groupe de rap français originaire de Paris et de sa proche banlieue, Montrouge (92) notamment. Nekfeu (a.k.a. Nek le Fennek), Alpha Wann (a.k.a Phaal), Sneazzy, Areno Jaz, Fonky Flav’ et leur DJ, DJ Lo’ font partie du collectif francilien L’Entourage. C’est au moment de leur signature sur le label de Zoxea ,KDB Zik, que le groupe change de nom, leur P.O.S. étant déjà largement utilisé. 1995 parce que c’est une des années charnières pour le rap français? Ce qui est certain, c’est que le groupe aime les sons à l’ancienne ! Distribué par Universal uniquement sur La Suite, les artistes sont très attachés à leur indépendance. C’est en participant à de nombreux open-mics et Battles (notamment lors des sessions Rap Contenders) qu’ils se sont fait connaitre. Et leur marque de fabrique est tellement forte et originale qu’ils auraient tort de se vendre trop tôt !

Si beaucoup les voient comme de nouveaux Sexion d’Assaut, je trouve pour ma part qu’ils sont un joyeux mélange d’un Orelsan puissance 5 et de groupes oldies genre Les Sages Poètes de la Rue. Ce qui est certain, c’est qu’ils savent faire monter leur buzz. Un an après le EP La Source, ils sortent 8 autres titres, le bien-nommé La Suite. Pour l’album, il va encore falloir attendre un peu.

Bon, j’vous laisse, j’suis en manque, je vais me faire un petit shoot de 1995 en attendant… la suite de La Suite !

Crédits photos : Jonathan Mannion

Sexion d’Assaut : les raisons d’une telle Apogée…

Cela fait presque cinq ans que je suis ce groupe novateur de très très près. Les ayant interviewé de nombreuses fois, notamment pour un hors-série du magazine R.A.P. R&B (sorti en pleine polémique, bien dommage), j’ai appris à connaitre ces jeunes rappeurs qui ont géré  leur succès comme des grands. A l’heure du 2nd album, le bien nommé L’Apogée,  qui s’annonce déjà comme une bombe commerciale, une petite analyse s’impose, non ? Allez la Sexion, sur le divan ! 

Les rois du buzz

Rappel de la composition du Wati gang : ils sont 7 MC’s mais bien plus nombreux au total. Le noyau dur, c’est Adams Diallo, Black Mesrimes, Doumams, JR Okrom, Lefa, Maître Gims et Maska, avec L.I.O Petrodollars en membre par intérim. Ces trublions signés sur le label Wati-B ont su créer et faire monter leur buzz dés la sortie de leur premier street album, L’écrasement de tête, en 2009. Le crew avait déjà tout compris en termes de rapport au public. Depuis 2005, les MCs parisiens n’ont jamais laissé leurs fans sans une nouveauté à se mettre sous la dent. 2005 , Le Pacte et La terre du milieu, 2006, Pour ceux qui dorment les yeux ouverts de Gims, 2007, le clip d’Anti-Tecktonik, 2008, Le Renouveau et 2009, Les chroniques du 75 volume 1. Cette dernière tape étant exclusivement publiée sur internet. Un moyen impeccable de fidéliser les fans. Dés 2009, la Sexion créé la sensation sur scène. En effet, qui a vu un concert de rap français en 2009 a forcément croisé en première partie une bonne dizaine d’énergumènes offrant un show d’une énergie rare. Orelsan, Médine, Kennedy et, bien sûr, leur pote Dry, ont donc tous débuté leurs concerts de cette époque-là avec les bondissements de ces rappeurs enfiévrés.  Dés lors, l’engouement pour ce mix entre le Saïan Supa Crew et le G-Unit ne cesse de prendre de l’ampleur, grâce, toujours, à ce rapport trés proche avec leurs fans. Le groupe les retrouve dans leur magasins des Halles, correspond avec eux sur le net et leur offre souvent des exclusivités sur le web, comme des images de leurs coulisses ou de leurs sessions en studio. Les Wati-soldats répondent d’ailleurs tous présents sur le parvis de Beaubourg le jour de la sortie de leur 1er album, L’école des points vitaux, le 29 mars 2010, provoquant alors une véritable émeute.

 

Sexion d’Assaut – L’émeute à Beaubourg (Buzz de Ouf)

 

La force du groupe

La Sexion ne s’est pas créée en un jour. Tous ne se sont pas du tout rencontrés en même temps et n’ont pas grandi dans le rap ensemble. Pour faire court, tout a commencé avec les potes d’enfance Adama et Maska qui, en 5ème, rencontrent un certain Lefa, plus breakeur que rappeur à l’époque. L.I.O. fait ensuite partie de leur groupe Assonances. Au début des années 2000 arrive Maitre Gims. JR O Crom arrive par Gims et Doomams par Maska et Adama. En 2004 déboule le dernier membre, Black M, introduit encore une fois par un pote du tier-quar. Mais justement, le fait que le groupe se soit construit petit à petit semble les avoir encore plus soudés. Ayant appris à travailler (et même vivre, des fois) les uns avec les autres, les membres de la Sexion en ont tiré une extraordinaire force commune. Dans le groupe, tout le monde donne souvent son avis sur tout. C’est un peu cacophonique mais c’est ça, la démocratie. Tout le monde a également le droit à ses envies d’ailleurs. Et surtout, face à l’adversité, personne ne bronche. Quand la Sexion est attaquée, en octobre 2010, pour des propos jugés homophobes mal exprimés par Lefa, c’est toute la Sexion qui se défend. Et qui avance, sans oublier de s’excuser et de rencontrer des associations gays et lesbiennes pendant presque 6 mois, mais toujours la tête haute. Ce qui ne les tue pas les rend plus fort alors ils continuent leur chemin, balancent des extraits de leurs Chroniques du 75 volume 2, comme mon tube préféré, A bout d’souffle, qu’ils sortent en avril 2011 et qui est un énorme succès. Une belle leçon de puissance de la solidarité.

Sexion d’assaut – A bout d’souffle

L’omniprésence
Difficile de passer à côté de la Sexion ces dernières années. Sans parler de leurs propres tubes, comme Désolé, Wati By Night, Paris Va Bien & co…, le groupe a transformé tous les feats qu’il touchait en or. Jusqu’à l’overdose diront les rageux. Jusqu’au plaisir toujours renouvelé assènent les fans. Même quand ils n’ont pas d’actu, ils en ont quand même une. On pense à leurs remixs, celui de P.Diddy, Hello Good Morning. Celui de Selah Sue, Raggamuffin. On pense égalementà tous les morceaux sur lesquels ils apparaissent et qui ont fait groover l’été 2011 : Donnez nous de la funk sur l’album de DJ Abdel, Sahbi (Mon Pote) sur Raï’n’B Fever 4 et mon chouchou entre tous, le génialissime Blood Diamondz sur l’album des Sniper. La Sexion c’est comme le Paic Citron, quand y’en a plus, y’en a encore !

Sniper feat. Sexion d’assaut – Blood Diamondz

Entre pop et ter ter
La plus grande force du groupe, c’est leur musique, bien entendu. On a beau être les rois du buzz, quand on a ni style ni technique, on va pas bien loin. Dés leurs débuts, les membres de la Sexion ont su imposer leur style. Tout en conservant chacun leurs spécificités. Maitre Gims est le charismatique rappeur de la polyvalence, chanteur à ses heures. Lefa, la grande gueule du groupe, toujours cagoulé, offre un flow plus saccadé alors que Black Mesrime, sourire de la Joconde sur les lèvres, jongle avec rapidité avec des lyrics concepts. JR est le plus street des 7 avec un phrasé lourd et percutant, Maska est plus littéraire, Adams le roi de la punchline et Doumams est plus réfléchi, sombre et chaloupé. En plus d’une maîtrise spontanée de la technique qui étonne à chaque fois qu’ils s’offrent un freestyle, la Sexion dispose d’une particularité qui me semble expliquer, en partie, qu’un groupe de rap ait à ce point touché le grand public : son art de l’hétérogénéité ! Sur leur nouvel opus, L’Apogée, c’est encore plus flagrant. Le groupe aime jongler avec les styles et ici, c’est un peu la fête, avec des morceaux dark à L’Endurance, enchaîné avec un ragga-éléctro Africain, un bien hip-hop J’suis dans le Game et une ballade pour leurs mômans Avant quelle parte. Mélanger les genres, c’est tout un art que ces chefs cuistots maîtrisent avec un rare doigté !

Sexion d’assaut – Avant qu’elle parte

Dry déboule cagoulé !

Le nouveau D.R.Y arrive le 20 Février. « Tôt ou Tard », il va bien falloir que ce Mc d’exception rencontre enfin le succès qu’il mérite !

Ça fait partie des grandes frustrations, quand on est journaliste. Il arrive toujours un moment où l’on se passionne pour un artiste… et où l’on se retrouve un peu seul-tout ! J’avoue, moi, ça m’arrive souvent parce que je suis une grande spécialiste des coups de cœur. Et c’est encore pire quand je rencontre les artistes en question et qu’ils sont sympas. Malheureusement, en dehors de 3-4 exceptions (le récent Childish Gambino, Adèle il y a quelques années, Imany, Kanye West à ses débuts), mes grandes passions n’ont pas vraiment connues les succès publics qu’elles méritaient… Qui a vraiment entendu parler des Frer 200 ? D’Abass Abass ?  De C.Sen ? De Milk Coffee & Sugar ? De ME ? Foreign Beggars ? Graine de caf ? Hyro Da Hero ?

Pas grand monde, il faut être honnête. Mais je m’en fous, moi, je continue mon combat le poing levé, sûre de mes goûts. L’un de mes chouchous depuis des années, tout le monde le connait, c’est un membre de la Mafia K’1 Fry, du groupe Intouchable et du label Wati-B. Pour moi, c’est l’un des rappeurs les plus doués de sa génération, du fait de son passif et de son ouverture d’esprit. C’est aussi le congolais qui a le plus grand sourire et le plus grand cœur au monde (on dirait pas, mais je crois que j’ai des racines marseillaises, moi…).

Il s’appelle donc Dry, D.R.Y pour les intimes et il a sorti en septembre 2009 un petit bijou, Les derniers seront les premiers, 1er album solo très injustement passé inaperçu ! Petite présentation . Il a le physique d’un adolescent mais une carrière de warrior. Landry, 32 ans, né à Villepinte, est resté très attaché à la ville qui l’a vu grandir, Orly. Avec son physique atypique, grand et tout sec, son immense sourire qui réchauffe le cœur et sa douceur angélique, il n’était pas forcément prédestiné à devenir rappeur. C’est un peu son environnement qui a choisi pour lui. Marqué par le jeune Kery James, il a rencontré très tôt Jessy Money, Teddy Corona et, surtout, Demon One. A 18 ans, Landry devient Dry mais préfère toujours rester en second plan. Il est plus du genre à regarder les autres faire leurs freestyles et assurer les backs des autres. C’est Kery James qui, le 1er, l’oblige à poser pour de vrai sur l’album de la Mafia K’1 Fry, Légendaire, en 1999. A force d’encouragement, Dry suit ses potes Demon et MS pour former Intouchable. LA$ et Mamad, disparus aujourd’hui, font également partie des fondateurs du groupe mais suite à de nombreux incidents sur lesquels aucun membre de la Mafia n’a jamais aimé s’étendre, Intouchable finit en duo.

Dry pose sur tous les albums de la Mafia K’1 Fry et sort avec Intouchable  Les Points sur Les I en 2000, le maxi I Have a Dream en 2001, Original Mixtape et La Vie De Rêve en 2005. Demon sort Mon rap en 2007, Demons et merveilles en 2009 mais Dry, lui, n’est pas encore sûr d’être prêt à passer en pole position. Il faudra attendre l’enregistrement de son street album, De la pure pour les durs, sorti en avril 2008, pour qu’il se prenne au jeu. Le public, par ses bons retours, lui montre qu’il est finalement très attendu. Le « renoi til-gen, toujours souriant » sort alors en septembre 2009, Les derniers seront les premiers, aidé par ses potes de Wati B. Les textes sont écrits avec le cœur comme La pièce, un titre intelligent sur les SDF. Chacun de ses 22 titres est empreint d’une réalité brute et touchante. Les prods sont tout ce qu’il y a de plus éclectique, du funk dansant de Kick dur aux violons angoissants de Technik en passant par les basses électro saturées de Fidèle au poste.

Hé vous avez vu, dans le clip, presque toute la Sexion d’Assaut est dans la place !

Dry – Fidèle au Poste

Il aurait pu être quelque peu dégouté de l’accueil pas du tout à la hauteur de son talent qu’a reçu son premier bébé. Mais Dry n’est pas du genre à baisser les bras et sort, le 20 février 2012, un nouvel album Tôt ou Tard.

Les premiers extraits annoncent du bien lourd, comme cet excellent L’amiral, ici avec le clip version longue non censurée.

Dry – L’amiral
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Et surtout, le génial 2nd extrait, Cagoulé, bien sous tension!

Dry – Cagoulé

La suite au prochain numéro !