Joey Bada$$, retour vers le futur

Il n’avait que six ans en 1999. Rein à fout’, Joey Bada$$ a tout de même sorti un projet gratos qui s’inspire des beats de cette année-là. Pas vraiment nostalgique, le tout jeune new-yorkais, surfe avec classe sur la vague « back in the days » du moment, avec son équipe de minots à peine sortis du lycée. Les 1995 ricains ? Pas vraiment…

Cette année, il était difficile de passer à côté d’A$AP Rocky, Kendrick Lamar ou Tyler, The Creator… et Joey Bada$$ ! Les comparaisons sont assez faciles entre ce jeune rookie et certains de ses contemporains. Leader d’un collectif appelé Pro Era (ou The Progressive Era), qui rassemble des rappeurs mais aussi des producteurs, des graphistes, des designers et des ingénieurs du son, Joey a un petit air de Tyler et son groupe fait indéniablement, penser à OFGWKTA. Mais la comparaison s’arrête très vite à l’âge et au nombre de ses potes talentueux. Bien moins barré et crapoteux que Tyler, le très jeune MC regarde lui plutôt en arrière. Tout a commencé en juin dernier avec un projet commun de tout le groupe, au nom très judicieusement trouvé : The SECC$ TAP.E. Une mixtape de dix titres créée avec ses potes Capital STEEZ, CJ Fly, T’nah, Dessy, A La $ole, Dyemond Lewis et Kirk Knight, qui empruntait autan à A Tribe Called Quest qu’aux Fugees ou à Drake (à écouter entre autres sur http://www.youtube.com/user/PROfckingERA).

Joey BADA$$ – upDate (prod. by Kirk Knight)

Flow lancinant et maîtrisé, Joey fait tout de suite la différence. Tout naturellement, dans ce monde musical de l’immédiat, le petit nouveau de Brooklyn ne met pas plus d’un mois à sortir son projet solo. Ca s’appelle donc 1999 et l’esthète n’offre que des prods et des face-b de MF Doom, J-Dilla, Lord Finesse, Static Selektah ou Lewis Parker. Le 1er single, Survival Tactcs, a mis une grosse claque à tout le monde. Une production aux petits oignons, un débit ultra fluide et une assurance à faire vasciller tous les autres rappeurs du moment.

Joey Bada$$ x Capital STEEZ – Survival Tactics

S’il parle à tous avec ses beats, Joey aborde, dans ses textes, des thèmes bien plus adolescents. Sur FrombaTomb$, il rappe “F*ck Trigonometry…” et sur Daily Routine, “These bloggers too emotional…” Mais qu’importe la temporalité de ses lyrics, la qualité du rap touchera tous les âges. Autre exemple de son talent qui n’en est qu’à ses prémisses : Hardknock, plus street et torturé et toujours aussi impressionnant dans la technique.

Joey Bada$$ (feat. CJ Fly) – Hardknock (prod. Lewis Parker)

Le rap new-yorkais rajeunit et les dignes héritiers du Wu Tang Clan pourraient bien s’appeler les Pro Era !

Childish Gambino, comico-DJ-rappeur aux 1000 talents

Ne vous fiez pas à cette photo, Childish Gambino adore se mettre en scène. Et non, ce n’est pas une pic’ des années 60, Donald Glover est un Mc bien d’aujourd’hui !

C’est mon coup de cœur de la fin de l’année dernière. Je l’ai découvert, un peu par hasard, sur Deezer. Son album Camp (sorti début décembre 2011 aux States) est déjà en ligne même s’il ne sortira pas, officiellement, en France, avant quelques mois. Qu’importe ! Cet énergumène-là est des plus passionnants, dans sa musique comme dans son parcours…

Après être allée fouiller un peu sur le net, je me suis rendue compte que je n’étais quand même pas la seule à avoir découvert cette petite perle puisque Pitchfork me donne raison en portant Camp aux nues.

Laissez-moi, donc, vous présenter mon petit chouchou de ce début d’année :

Donald Glover n’a absolument rien à voir avec l’acteur Danny Glover. Pourtant, son talent d’acteur n’est plus à démontrer de l’autre côté de l’Atlantique. S’il est aujourd’hui connu pour son rôle de Troy Barnes, la star du foot de la série hilarante Community, sa carrière ne date pas d’hier. Contrairement à ses amis rappeurs ricains, Donald n’a jamais vendu de crack mais est  un bon gros dealer de blagues et de bons mots depuis de longues années. A 22 ans seulement, il écrit déjà de bonnes vannes pour l’émission The Daily Show puis pour la série 30 Rock. Jeune prince du stand-up, il fait partie de la compagnie au nom déjà bien fandard, Derrick Comedy. Mais Donald Glover n’a pas qu’un seul talent. Il se cache sous différents noms pour créer sa musique des plus enthousiasmantes. En tant que producteur de morceaux originaux et ultra bien mixés, il se fait appeler Mc DJ. Ses prods sont taillées au cordeau, entre hip-hop et électro, on adore ! Toujours bourré d’humour et de sarcasmes, il aime écorcher la jeunesse américaine et parler de ses angoisses suicidaires ou alcooliques, tout comme il le fait dans la série Community.

En 2010, il sort un EP bien remarqué, Be Alone. Et le clip du morceau Freaks and Geeks démontre déjà tout le potentiel cynique et d’auto-dérision du rappeur.

Childish Gambino – Freaks and Geeks

Le petit génie sait donc aussi bien tâter du micro que des programmes de la MPC. Il a sorti son premier album, Sick Boi en 2008, puis Poindexter en 2009, les mixtapes  I Am Just A Rapper et I Am Just A Rapper 2 en 2010 et le 3ème album Culdesac la même année. En France, c’est avec l’album Camp qu’on va le découvrir.  Celui qui a créé son blaze grâce à un générateur de noms balancé sur le web par le Wu Tang Clan nous offre 13 titres tous différents, de l’angoissant Bonfire au joyeux Sunrise en passant par le plus doux et dance Heartbeat et le très enfantin, carrément R&B Kids. Le flow est ultra précis, nasillard et douloureux, faisant penser à un mélange entre Eminem et Lil Wayne. Du côté des prods, on est dans le tellement travaillé qu’on pense forcément à Kanye West ! Et côté textes, on trouve de la tendresse, de l’humour, de l’ironie, de l’analyse de notre monde actuel. C’est tellement bon qu’on aimerait pouvoir se rouler dedans.

Mon morceau préféré à moi , c’est Outside, un truc bien choral où l’on ressent vraiment bien le mélange Lil Wayne-Kayne West-Wiz Khalifa. Alors, je fais tourner allègrement!

Childish GambinoOutside