Paris Hip-Hop : Hé bien breakez, rappez, graffez et scratchez maintenant !

Un festival entièrement consacré aux quatre disciplines du Hip-Hop, c’est déjà assez rare pour être souligné. Mais quand, en plus, ça a lieu dans la plus grande ville de France avec l’appui des institutions, il y a vraiment de quoi improviser une petite coupole ou un joli flip arrière . Après avoir assisté avec un immense plaisir au concert des Roots en ouverture de Paris Hip-Hop, laissez-moi vous présentez un peu de festival hors pair !

Festival aux idées très larges, Paris Hip-Hop est tout sauf un évènement sectaire uniquement adressé aux fans de cette culture urbaine. Tout d’abord parce-que le Hip-Hop est aujourd’hui complètement entré dans nos habitudes, nos moeurs, notre vie et que ses quatre disciplines (la dance, le graff, le deejaying et le rap) s’adressent à un public allant de 7 à 77 ans, issus de tous les milieux sociaux. Plus de 100 000 personnes sont attendues à la quinzaine du Paris Hip-Hop Festival, jusqu’au 4 Juillet. Et, pour en savoir un peu plus sur les racines de cette belle aventure, moi, j’ai rencontré en partenariat avec Kass DED (chaine rap sur You Tube), Youssoupha mais surtout Bruno Laforesterie, le président de Hip-Hop Ciyoyens, organisation à l’origine du festoche !

Paris Hip-Hop – ITW Youssoupha et Bruno Laforesterie

Au programme, de nombreux concerts, donc (Médine et Tiers-Monde, Busta Flex, Time Bomb, La Fouine, Kamelancien, Rim’K…), de la danse avec la Battle Beat Conference, des ateliers d’écriture, des clubs de lectures, des expositions…

Parce que c’est ce soir, petit focus sur une initiative innovante : End Of The Weak ! Anti-battle, cette compétition entre MC’s part à la recherche du nouveau champion de France d’impro hip-hop. Lors de son open mic, le rappeur en herbe devra convaincre en 16 mesures et selon différents critères (Les critères de notation : Les lyrics – la qualité d’écriture, La créativité – l’identité artistique, La présence scénique – le charisme, Le flow – le débit, La réactivité du public – l’aura). Puis il devra s’attaquer à l’a capella, au freestyle, se confronter à un DJ et proposer un show en équipe.

Pour vous donner une petite idée de ce qui vous attend ce soir à la Bellevilloise !

KENYON, Mc versus Dj’s @ Finale Nationale EOW France 2011

Taïpan, le plus venimeux des MC’s – interview vidéo exclusive

Après avoir lancé un grand « Je vous aime » à tous ces fans il y a deux ans et s’être tout simplement auto-proclamé « meilleur rappeur de France », le rappeur à la langue bien fourchue (pour les ignares, un Taïpan est un très méchant serpent du désert, le plus venimeux au monde, qui tue en 45 minutes – claaaaaasse !) est de retour « Dans le circuit ». Toujours aussi grinçant et impeccable au niveau technique, il signe l’une des meilleurs surprises de l’année. Du coup, je l’ai rencontré pour vous. Non, vraiment, de rien, c’est tout naturel !

Pour moi, Taïpan, c’était deux choses. Je l’ai découvert (comme beaucoup) il y a deux ans avec son premier album Je vous aime et surtout via le morceau Au feu à droite aussi rentre-dedans qu’engagé et baigné dans trois litres d’humour noir. Moi qui aime particulièrement les rappeurs qui savent manier la langue de Molière avec intelligence et flow, j’étais ravie. Puis est arrivé Rap Contenders, première ligue française de battles a cappella qui nous a permis de découvrir des MC’s à la technique hors pair. Et parmi ces cadors, Taïpan s’est clairement taillé la part… du serpent (jeu de mot animalier moisi, je vous l’accorde) !

Taïpan – Au feu à droite

Un peu privilégiée, j’ai eu la chance d’avoir accès (merci Philo de Bomayé Musik !) aux premiers morceaux du nouveau Taïpan. Et là, grosse claque ! Avec Dans le circuit, son nouveau projet, le petit gars originaire des cités minières du Nord passe un cap. Avec son cousin, le producteur ultra doué Cehashi (derrière L’amour et Noir désir sur le dernier Youssoupha), il jongle avec les univers musicaux sur dix titres tous plus réjouissants les uns que les autres. Une rencontre avec ce grand jeune homme (il a été champion de basket, pas étonnant) s’imposait. Pince sans rire, un peu nonchalant, l’artiste m’a impressionné par son côté à la fois posé et passionné. Une belle interview, diffusée en exclusivité par Kass DED, la chaine 100% rap français sur Tou Tube !

Taïpan – Interview exclusive pour Adeline au pays du Hip-Hop

Un immense merci à l’équipe technique de choc, Jérôme « Juv » Bauer et Suzanne Frémy et l’équipe Taïpan/Bomayé Musik Philo et Mouss.

Guizmo, entre Mogwaï et Gremlin

Ne lui donnez jamais à manger après minuit ! Car sinon, cet inoffensif jeune-homme d’apparence un peu laid-back se transforme en impitoyable rappeur qui compte bien donner quelques leçons à ses ainés ! Pire, il sort des albums tout bigarrés auxquels on devient accro. Guizmo, faut jamais se fier à son doux regard. Loin d’être un rookie, c’est un jeune loup aux canines bien acérées !

crédits Fifou

En Juin 2011, six Mc’s parisiens sortaient en indé un maxi sonnant étonnamment old school et extraordinairement réussi. La source des 1995 explosait au nez des autres rappeurs français comme la bombe Sexion d’Assaut quelques années auparavant. Autour de cette étoile peut-être filante gravitait alors de nombreux autres astres. Guizmo en faisait partie. Ce rappeur d’avenir a été découvert au sein du collectif L’Entourage, une grande bandes de tout jeunots parisiens qui savent se prendre en main depuis des années sans aucune major. Dans les membres, on retrouvait le DJ de 1995, génial DJ Lo’, mais aussi les kickeurs de micro Flav’, Nekfeu, Alpha et DJ Lo’.

Le personnage de Guizmo nait pour beaucoup lors de sa draft à Rap Contenders qui l’oppose à Aronstrong. Son adversaire le dépeint alors comme un alcoolique et un camé et il reprend la punchline à son avantage, fier de ses addictions (cf. l’intro du clip Normal). Guizmo fut le premier de ses potes à avoir véritablement passé le cap du premier album en solitaire. Normal , sorti fin 2011, était un petit bijou dans le genre mélange de beats old-school et de flows d’une rare modernité et fluidité. Virtuose et blindé d’humour, le jeune Guizmo se classait clairement dans la catégorie des nouveaux talents du moment, aux côtés de LECK, Sadek, REDK

crédits Fifou

Le natif de Villeneuve-la-Garenne impressionnait par ses punchlines affutées, son flow acerbe, et son énergie surprenante. Il avait déjà totalisé plus de 2 millions de vues sur Youtube avec ses clashs et ses nombreux freestyles mais ses 17 titres révèlaient une nouvelle facette de l’artiste : être multi-facettes, justement ! On a adoré sa reprise de Crazy Vibes de Selah Sue mais aussi le très funky Ma ruche, le soul-jazz très 90’s Back In The Days feat. Alpha Swann ou le punchy J’ai du mal.

Guizmo – Normal

Depuis, les 1995 ont sorti un nouvel opus, La Suite, Guizmo s’est créé sa propre bande de fans et a quitté le nid de l’Entourage pour voler de sa propre plume. Son nouveau méfait s’appelle La Banquise et fait bien mal (dans le bon sens du terme, of course). 16 titres tous bien différents, du presque ricain Banlieue Dégueulasse au Guimax qui le dépeint sous un jour plus hardcore que prévu en passant par le carrément pop (mais plutôt réussi, finalement), Maman STP, le pas très féministe T’es juste ma pote ou le tendu Ma haine est viscérale.

Guizmo – Maman STP

Alors Guizmo, Mogwaï ou Gremlins ? Un peu des deux…

Crédits Photos : The best hip-hop photograph in ze world, Fifou !

Je suis allée faire un tour dans la tête de Redouanne Harjane

Vu sur scène lors de la Release Party de Youssoupha (comment je me la pète trop). Gros coup de coeur à m’étouffer de rire. Redouanne Harjane est clairement la chose la plus intelligemment drôle qu’il me soit arrivée ces derniers temps. Alors je fais tourner !

J’avais déjà vu un de ses sketchs à la télé lors d’un spectacle de Jamel à Marrakech. J’avais adoré sa nonchalance, son mauvais esprit et sa petite chanson absolument affreuse où il racontait comment, petit, il faisait passer son grand-père pour un pédophile, juste pour se marrer un coup.

Redouanne Harjane – Marrakech du rire 2011

Je l’ai retrouvé le 25 Janvier sur la scène du Jamel Comedy Club, invité par le rappeur Youssoupha lors de la Release Party pour son dernier opus, Noir désir. Là, j’ai failli cracher ma bière sur mes voisins de devant tellement sa chanson d’amour carcéral, devant ce public de fan de rap, avait quelque chose de génialement décalé ! Le pire, c’est qu’il est tellement doué, l’oiseau, que sa petite mélodie au piano est restée dans ma tête et que j’ai continué à le fredonner, dans la queue du Monoprix (« ho, amour carcéral, ho ho », la tête des vieux !) pendant une semaine.

Jamel Comedy Club, un soir glacé de fin Janvier

 

Je n’ai donc pas pu m’empêcher d’emmener des potes, la semaine d’après, découvrir cet extra-terrestre de l’humour. Le froid glacé avait quelque peu refroidit les ardeurs des spectateurs et c’est en petit comité que nous nous sommes retrouvés dans la salle si chaleureuse du Comedy Club de Jamel. 1er rang oblige, on s’est fait tout petits pour éviter de se faire chambrer direct. Parce-qu’il a beau écrire ses spectacles avec une plume très assurée, ça ne l’empêche pas de bâcher tranquillement le public. Sa victime du soir (qui était aussi celle de sa très bonne première partie Noman Hosni) s’appelait Malik et avait de magnifique cheveux blond platine. Redouanne l’a donc surnommé, dés les premières secondes, « Sunshine ». Sublime.

Le spectacle est à la fois réglé comme une pendule suisse de papier à musique et assez fouillis pour nous perdre avec plaisir. Redouanne est un roi du comique de l’absurde, enchaînant les réflexions personnelles sans aucun rapport les unes avec les autres, auxquelles on rit aux éclat avec un peu de recul, le temps d’être sûrs d’avoir tout bien compris . Parce qu’en plus d’être un musicien hors pair, ce faux grincheux fait partie de ces humoristes à la plume trempée dans le vitriol et à la tête bien pleine.

Redouanne Harjane – Montreux

J’avoue, je le catégoriserais bien, pour son incorrectitude politique (non, ça n’existe pas ce mot mais moi j’aime bien) et son cynisme truculent, dans la case des dignes successeurs de Dieudonné. Faux endormi-bourré-défoncé, Redouanne assène des horreurs à la chaîne (« des fois, quand je suis énervé, je m’amuse à jeter des côtes de porcs sur les musulmans. C’est cool ! Ils brulent! ») en bafouillant. Et même ses silences et ses balbutiements sont hilarants.

Redouanne, c’est le genre de mec dont tu gardes en toi chacune de ses vannes. Et pendant des jours, dés qu’un pote lance un sujet, t’as envie de dire « oh, ça me fait penser à une vanne de Redouanne… » Mais tu la dis pas, racontée par toi, c’est tout moisi…