Je vous avais déjà parlé de ce groupe de rappeurs parisiens maniant les beats et l’auto-dérision avec talent. Les Frer 200, je dois l’avouer sont dans ma liste de chouchous. Parce que leurs prods sont toujours nickels, que leur humour me touche, qu’ils n’ont pas oublié d’être techniques et doués côté lyrics. C’était donc tout à fait naturel (même si/parce que beaucoup de gens ne les connaissent pas encore) pour moi de les inviter pour une belle KassDED. On avait prévu de bien se marrer. On a un peu attendu mais ça valait le coup !
Rendez-vous a donc été pris un jeudi soir de mi-octobre. Netta, leur joyeuse attachée de presse m’avait prévenue, le trio n’était pas toujours d’une parfaite ponctualité. Comme prévu, à l’heure dite, seul Kombo est dans la place. L’on commence donc avec lui. Le principe est un peu différent des autres KassDED : ici, pas d’artistes extérieurs, les questions viennent des membres du groupe. ce qui donne, forcément, de la private joke à gogo. Juste parfait et hilarant. Le flegmatique Fibo arrive ensuite et passe lui aussi à la moulinette. Puis, très attendu, c’est Gystère qui se pointe en dernier. Malgré l’heure tardive et quelques signes de fatigue, chacun joue le jeu et nous offre des réponses originales et bien senties. En « coulisses », ça déconne bien comme il faut et ça échange autour des derniers albums de rap américains que chacun a kiffé (Dun de The Roots pour Gystère).
Frer 200 – La KassDED (avec Fibo, Gystère et Kombo)
Nouveau format « en groupe », donc nouvelles idées pour les images de coupe. Nous proposons au groupe de se la jouer « salle d’attente ». Deux par deux, ils tournent alors de petites saynètes. Coup de chance, un melodica rose pour enfant traîne dans le studio.
Gystère s’en empare et joue un air insupportable (que vous n’entendez heureusement pas sur la vidéo) alors que Kombo se repose sous son bonnet et que Fibo tape un beat sur son téléphone portable.
C’est au tour des images d’arrivée. L’on décide alors de jouer sur le retard de Gystère, qui se prête au jeu avec plaisir et court dans des couloirs vides.
Esprit bon enfant, grosses barres de rire, le tournage se termine en début de soirée avec une équipe un peu fatiguée mais heureuse d’avoir capté une KassDED qui fera date !
C’est un animal un petit peu étrange, l’hippocampe. Un peu vintage. Un peu rigolo. Mais pas trop hip-hop. Sauf quand ce cheval de mer est pris comme symbole par un rappeur loufoque et poète un peu aquatique. Ce troubadour sous-marin n’a pas seulement le sens de l’humour, il a aussi celui du rythme et de bonne punchline. Du rap avec de l’eau plein les oreilles. Certains verront forcément en lui le pendant maritime d’Orelsan. C’est surtout un putain de MC !
Sa bio « officielle » dit ceci : Je suis né dans un cimetière, un jour de canicule au milieu de l’hiver. Un coup de pioche dans ma caboche fut salutaire. Mon père était un lilliputien gargantuesque effrayé par les fleurs les coccinelles et les oeufs. Il offrait en doudoune sur les plages de naturistes des gouttes de jus d’oignon ou de citron pour les yeux…
Un peu bipolaire le garçon ? Non, juste très original. Et ce genre de grand vent frais, ça fait toujours du bien. Quand le taf est bien fait. Ici, c’est le cas et depuis un certain nombre d’années. Entre Boby Lapointe, Triptik et TTC (à leurs débuts, hein…), est membre de la Secte Phonétik, de géniaux huluberlus qui ont monté un groupe 100% vocal et qui ont tous les talents ! Celui qu’on appelle aussi « le dindon », moi je l’ai découvert il y a deux ans. A l’époque, pas encore vraiment Hippocampéisé, il hébergeait un lama. Oui, un vrai lama !
Vidéo Rap – Chez moi y’a un lama
Un an plus tard (et quelques vidéos rap avec des pandas, des mentos et du coca), le revoilou avec un EP solo, Vaccin contre l’automne. Le flow est toujours aussi maîtrisé et rapide, les clips deviennent plus aquatiques et les textes encore pus aiguisés.
Hippocampe fou – Cligne des yeux
Le premier album de ce très attachant petit animal-MC est en préparation et il devrait être, selon ses mots : « kitscho, trip-hop electro-dubstepo abyssal ». En attendant, patientons en musique avec un duo toujours aussi barré avec Paranoyan !
MIAM MIAM – Hippocampe Fou & Paranoyan (Prod. Mr MaDJestyk)
Neuf ans qu’on les attendait ! Ce triptyque nous avait fait vibrer, marrer, danser et même réfléchir pendant 10 ans avant d’annoncer des projets solos en 2004. Snif, Snif, on a rangé nos mouchoirs à l’annonce de leur nouveau projet. Et quelle tuerie ! Il n’y a rien à jeter dans Depuis, leur EP de 9 titres. Dabaaz, Black’Boul et Drixxxé sont plus en forme que jamais, mâtures mais pas trop quand même. Je leur ai donc posé quelques questions pour savoir s’ils revenaient pour de bon ou s’ils allaient encore nous faire faux bond…
– 9 ans de « séparation » (d’attente, surtout, pour les fans). Pourquoi aussi longtemps ?
C’était pas vraiment voulu. Il nous fallait du temps pour digérer l’échec commercial de TR303 et la banqueroute de notre label Concilium Production qui ont conduit à cette « pause ». Personne ne sait aussi bien que nous ce qu’a coûté Triptik en terme d’investissement énergétique et/ou financier. L’indépendance à un coût et nous en avons payé le prix fort… C’est pourquoi il nous a fallu prendre du champ pour nous reconstruire individuellement et diversifier nos activités.
– Ça ne vous pas paru un peu « dangereux » de vous absenter (en groupe) aussi longtemps ?
Tant qu’aucun pronostique vital n’est engagé, rien n’est réellement « dangereux ». Encore une fois il nous fallait du temps pour digérer notre échec et il faut croire que comme l’amour, « l’orgueil a ses raisons que la raison ignore ».
– Au final, comment votre fanbase a réagi à votre retour : des reproches ou des câlins ?
L’accueil fait à notre dernier EP « Depuis » est ultra chaleureux et on n’en n’attendait vraiment pas tant. Avant l’annonce de notre EP chacun de nous 3 recevait régulièrement des témoignages d’impatience mais on ne s’imaginait pas qu’on recevrait autant d’amour. En même temps, on sait très bien que cette parenthèse enchantée ne durera pas éternellement parce qu’à mesure que les projets vont se multiplier et/ou prendre de l’ampleur, les détracteurs vont sortir du bois. C’est le revers malheureux de l’exposition et on l’accepte.
– Vous avez fini par vous retrouver en studio au moment où chacun est en plein projet solo. Pas très organisés ou vous êtes juste hyperactifs ?
La leçon qu’on a retenue de l’expérience Triptik pré-2004 c’est qu’il ne faut pas attendre après un seul et unique projet. Ce qui nous a un peu tué, c’était le fait qu’on attendait TOUT de Triptik : l’épanouissement, la réussite professionnelle et l’argent. Moralité : quand un cercle n’est plus vertueux, il devient vicieux… Par conséquent, il est indispensable de multiplier les projets pour ne pas se retrouver le bec dans l’eau. Et puis tout participe du même procédé, chaque projet individuel apporte son lot de rayonnement à Triptik.
– L’EP est très abouti mais il respire surtout la liberté surtout dans les prods (« Pas de doute », « Bande de followers », « En haut », Juste dingues). Ça vient d’ou ?
On ne s’est jamais fixé de limite dans l’élaboration de notre musique. Le hip hop a cette particularité de pouvoir transformer n’importe quel courant musical en hip hop, justement. Toutes les musiques peuvent donc devenir hip hop et comme nous aimons beaucoup de styles de musique, il était écrit que cette diversité se retrouverait d’une manière ou d’une autre sur nos disques.
– Quand on a fait chacun son petit bout de chemin, comment on fait pour se mettre d’accord sur les textes, les sons… ? C’est pas plus compliqué qu’avant ?
Bah non parce que quand on se met à créer seul, au bout d’un moment on se rend compte que la création de manière collégiale a ses avantages pour peu qu’on se fasse déjà confiance. On a beaucoup plus d’idées à plusieurs et une idée peut être affinée plus efficacement quand elle est confrontée aux critiques de personnes qu’on apprécie humainement et artistiquement. Et puis dans notre cas de figure, on a quelques automatismes entre nous qui permettent de faciliter le tout. On connait déjà nos forces et nos faiblesses respectives donc tout est plus simple. Etant donné qu’aucun de nous n’a arrêté de faire de la musique pendant cette trêve, l’alchimie qui opère quand on est tous les 3 est repartie exactement là où on l’avait laissée. Logiquement, le meilleur reste à venir haha!!!
Triptik – Papa
– Vous avez dit dans une interview que « le rap a 20 ans, c’est plus pareil qu’à 35 ans. » D’où des titres comme « Papa » ou « la moitié de moi » ? Ça n’aurait pas été possible avant ?
Disons que la fougue de la vingtaine empêche bien souvent de développer des morceaux réfléchis sur des sujets aussi particuliers que la vie de couple ou la paternité. Dans ce cas précis, l’expérience personnelle permet d’être plus pertinent dans l’écriture et ça amplifie d’autant plus le côté fédérateur du morceau concerné parce que les auditeurs se reconnaissent et s’identifient plus facilement.
– Dans « bande de followers », vous expliquez votre rapport aux réseaux sociaux. Est-ce que, ça aussi, ça a changé votre façon de voir le monde et de le raconter ?
Les réseaux sociaux ont apporté une proximité de tous les instants, il n’y a plus de distance entre producteurs et consommateurs de musique; tout le monde est potentiellement accessible. Ce procédé a ses bons côtés (encouragements en direct, plans potentiels) mais des phases nettement plus reloues comme quand quelqu’un se croit tout permis caché derrière son clavier… Comme pour toute relation humaine, tout est question de dosage et de savoir-vivre…
– Vous qui adorez la scène, dans quelle mesure et comment avez-vous construit des morceaux faciles à jouer en live ?
Wow, on ne peut pas vraiment dire qu’on paramètre nos morceaux en fonction du live. Il nous arrive même souvent de constater après qu’un morceau a du potentiel sur scène, même s’il est vrai que le choix de l’instru pèse sur l’efficacité scénique d’un titre. Néanmoins, si le titre en question n’est pas amené par un enchaînement pertinent au fil d’un concert bien souvent son effet retombe.
Triptik – Ça fait plaisir
– « Ca fait plaisir » de vous retrouver mais vous, quand vous vous êtes retrouvés pour la 1ère fois, tous les trois, à travailler ensemble sur un nouveau titre, ça vous a fait plaisir ou c’était chaud ?
« Depuis » est né d’une réelle volonté joyeuse de chacun d’entre nous de refaire du Triptik. Même si une sortie d’album, de ep, de morceau ou de clip a toujours un côté laborieux en indé, le dénominateur commun de tous les « chantiers » que nous menons ensemble (Triptik, Can I Kick it?, etc…) est désormais l’Envie.
Dans la famille des sales gosses du rap, je demande Danny Brown. Rien à voir avec James (si ce n’est un goût assez prononcé pour la coupe de cheveux toute moisie) si ce n’est une énergie imparable et communicative. Le rappeur de 31 ans n’est pas un jeunot même si sa fraîcheur rappelle les dernières belles découvertes du rap ricain, de A$AP Rocky à Clyde Carson en passant par Joey Bada$$ (dont je vais bientôt vous parler). La particularité de Danny ? Un petit côté oldies à la A Tribe Called Quest et une efficacité jouissive à la Pharcyde.
Comme toute bonne fan de musique que je suis, j’adore qu’on me fasse découvrir de nouvelles têtes ! « Il n’est pas de pire sourd que celui qui ne veut pas entendre » alors moi, j’ouvre tout le temps mes oreilles aux suggestions des autres. C’est mon poto Florent de MPC Prod, grand dénicheur de nouveaux talents devant l’éternel, qui m’a parlé de cet hurluberlu de Danny Brown qu’avait déjà cité Drixxxé des Triptik dans sa playlist de Brain Magazine. Forcément, j’ai commencé par le plus récent, à savoir son génial clip de Grown Up (réalisé par Greg Bunkalla), dans lequel un mini Danny revient sur l’enfance du grand Danny avec humour et décalage. Un beat bien oldschool, un flow qui glisse sur des sons un peu funky et une mise en scène léchée. Forcément, on ne peut qu’adorer !
Danny Brown – Grown Up
Du coup, j’ai fait un petit « back to the future » et j’ai remonté l’histoire musicale de Danny Brown. Des deux dernières années, le trentenaire aux dents de devant manquantes a balancé pas mal de grosses bombes : Un second album en téléchargement gratuit, XXX, sur le label du canadien A-Trak, Fool’s Gold, avec 19 morceaux aux ambiances hétéroclites, du trés doux I Will au bien rugueux Monopoly et un EP plus expérimental, produit entièrement par le talentueux jeune producteur Black Milk, Black and Brown! A chaque fois, on retrouve ses lyrics très scénarisés, sa passion pour les drogues et l’alcool (passion très partagée par les rappeurs ricains, ces derniers temps, c’est l’aire des pochards) et ce flow testéroné bien comme il faut.
Dernier petit bijou en date, un morceau à télécharge gratuitement sur le compte Soundcloud du magazine Fact. Joie, Sweet.
Danny Brown – Sweet
Et une géniale association, bien déglinguée, avec le producteur Darq E Freaker pour un morceau plein de substances illicites, Blueberry (Pills & Cocaine).
Quand on a interviewé un artiste de nombreuses fois, on a parfois l’impression qu’il fait un peu partie de notre famille. Une tendresse particulière s’installe avec ceux qui sont plus réceptifs à tes questions, qui font un effort pour ne pas te donner la même réponse qu’au journaliste précédent. Pas forcément pour un question d’âge, plutôt une histoire de respect, Rim’K a toujours été un peu comme un tonton pour moi. Le mec à qui tu peux raconter certains trucs que tu ne dis pas aux autres, avec qui tu te marre bien et qui te confie des histoires un peu extraordinaires. Chef de famille, Karim ? Oui certainement !
J’ai du faire ma toute première interview de Rim’K il y a 7-8 ans pour le quotidien 20 Minutes. A l’époque, le 113 venait de sortir son troisième opus, 113 Degrés, qui fonctionnait aussi bien que les précédents. J’avais rencontré le trio dans le hall d’un restaurant un peu chic du côté du quartier de la Bastille à Paris. Je me rappelle des murs en velours rouge et surtout, de la décontraction de ces trois rappeurs impressionnants (ne serait-ce que physiquement, ils sont tous deux fois plus grands que moi !) dans ces lieux un peu incongrus. Etre une nana journaliste de rap ne m’a jamais posé souci. Mais je ne dis pas que je n’ai pas eu, parfois, quelques boules au ventre. Celle qui est apparue quand je les ai rencontrés s’est tout de suite envolée au fur et à mesure de la discussion. En face de moi, j’avais un AP tout sourire, un Mokobé qui me scrutait avec un regard assez bienveillant et un Rim’K bavard qui me racontait des anecdotes sur l’album et aussi sur l’histoire du 113 au sein de la Mafia K’1 Fry. La suite de mes rencontres avec Karim a toujours été teintée de la même joie communicative et de la même considération mutuelle. Grand déconneur devant l’éternel, Rim’K est aussi un discoureur qui prend des airs de conteur. Son timbre grave pousse à l’écoute et j’ai souvent regretté que nos entretiens ne durent pas longtemps.
De plus, j’avoue que le bonhomme ne m’a jamais déçue au niveau de ses productions solos. L’enfant du pays a été une grosse claque pour tous les médias rap tant l’album, à la fois intimiste et très rap, nous a plu. Même sanction pour Famille Nombreuse et comment ne pas trouver géniale l’idée d’un album rebeu-hip hop commun avec Maghreb United ! Pendant toutes ces années, Rim’K a su fédérer autour de lui une fanbase ultra métissée, de tous les âges, qui nourrit pour lui une affection ultra forte (qui n’a jamais été à un concert du 113 ou de Rim’K e sait pas ce qu’est l’amour d’un fan pour son artiste préféré). L’album suivant était donc des plus attendus. Qu’allait donc donner ce fameux Chef de famille ? Le 1er extrait, Portrait robot, nous offrait une image que l’on connaissait déjà de Rim’K. Celle d’un rappeur qui est accro au micro et qui n’a pas peur d’ouvrir aussi parfois un peu son coeur en public. Flows et prod impeccables, comme toujours, rien à redire ! C’est à partir du Call of Bitume avec Booba que tout s’est emballé. A raison ! Un duo inédit et exceptionnel. Et un morceau à couper le souffle, surtout ! L’association n’était pas évidente mais Karim a choisi une prod de Therapy bien rentre-dedans et a encore alourdi son flow pour un titre des plu enthousiasmant !
Rim’K & Booba – Call Of Bitume
Trépignant pour recevoir le reste de l’album, j’ai apprécié chacun des 17 titres comme autant de sucreries qu’une gourmande de bon rap comme moi sait apprécier. Le gros son est là avec des GPS et autres Classico. La fête est là aussi avec Tonton Music Club ou I Love My Bled. L’émotion est omniprésente via les sublimes Urbaine Poésie feat. Toma et Grand Corps Malade ou mon préféré, Bac-5 avec Awa Imani.
Quand on te fait de beaux cadeaux, ma maman m’a toujours dit qu’il fallait remercier à sa juste valeur alors MERCIIIII Tonton !