Sinik : Dans les coulisses de sa KassDED

3ème KassDED et nouvel acteur de choix du monde urbain : SINIK ! Le rappeur des Ulis au flow assassin vient juste de sortir son nouvel opus, La Plume et Le Poignard quand il arrive dans le studio. Aux lendemains de son clash très suivi à Skyrock, en pleine forme, Sinik répond à des questions qu’il découvre avec plaisir ! Proches, potes et clasheurs sont au rendez-vous et le jeune trentenaire ne se démonte jamais (entre deux éclats de rire). S.I.N.I.K. comme je ne l’avais jamais vu !

Sinik – La KassDED

J’ai rencontré Sinik de nombreuses fois dans ma carrière. Notamment pour une interview et couv très réussies du rappeur et de sa douce, Kayna Samet, pour le magazine R.A.P. R&B. L’artiste n’est pas toujours facile, de prime abord. Assez froid,il ne se livre pas toujours aisément. Au fur et à mesure des années, j’avais appris à vraiment apprécier nos rencontres autant que le personnage, qui peut s’avérer doté d’un grand humour et, surtout, d’une belle générosité. En l’accueillant dans notre studio, je m’étonne de le voir arriver seul (et pile poil à l’heure, le hip-hop, c’est plus ce que c’était). Sans manager ni attaché de presse, Sinik assure sa promo selon les directives données. Du coup, il ne sait pas vraiment à quelle sauce il va être mangé. Tant mieux, l’effet de surprise est un peu la base du concept de la KassDED !

Sinik est curieux de voir qui lui a posé des questions. On débute par Alonzo et, tout de suite, les rires fusent : « Ah, les questions de mecs de quartier ! » D’où l’intérêt de demander à des proches de poser des questions, on surfe sur des anecdotes qui mettent les invités bien à l’aise. Le MC va donc de surprises en surprises. Plus sérieux quand il répond aux questions de Kayna ou quand il parle de Kery James, qu’il admire par-dessus tout, il livre ses projets d’avenir directement à son ami Cifack « cifon ».

Plus l’interview avance et plus Sinik est à l’aise. Il parle directement à LECK via la caméra quand il lui demande de mettre son nouvel album de côté pour redevenir son backeur sur scène. Ça parle beaucoup de foot, forcément, ça bâche un peu. Finalement, on ne parle pas beaucoup de musique mais qu’importe : c’est un Sinik vrai et ouvert que l’on découvre à chaque minute. Même quand il refuse l’invitation de Gaïden à réitérer leur clash à Rap Contenders, il reste lui-même, sans langue de bois.

« Ça fait du bien, ce genre d’interview, ça change des trucs de promo. » Notre but est atteint, la KassDED est dans la boite et le moment partagé restera gravé dans nos mémoires comme un excellent souvenir !

Azealia, Kitty & Kreayshawn : Girl Power 2/3

Parce qu’elle vient juste de sortir son premier album tant attendu, on continue la girl power review avec Kreayshawn (ça se prononce comment en vrai ?). Ça fait un moment qu’on l’attendait son Somethin ‘Bout Kreay ! La demoiselle est le stéréotype de la rappeuse hipster new generation. Son style hip-hop est juste inclassable, entre M.I.A., Amy Winehouse (pour la choucroute) et Azealia Banks (justement). Son style vestimentaire, c’est pas mieux, elle en change presque aussi vite que Nicky Minaj de coupe de cheveux. Une petite meuf qui envoie du bois !

Encore une que j’ai découverte sur le tard. On ne peut pas toujours être à la pointe de tout ! Son tout premier tube avait des allures de coup d’éclat. Appeler un morceau Gucci Gucci et se mettre des oreilles de Minnie rose sur la tête, c’est déjà faire preuve d’une bonne dose d’humour. Un peu salace dans ses lyrics sans jamais être vulgaire, maîtrisant un flow à la limite du déglingo et rappant sur des beats bien forts en infrabasses electro, la demoiselle fait la différence. Surtout que la rappeuse (de son vrai nom Natassia Zolot) originaire d’Oakland n’a que 21 ans ! Grosse fumeuse de weed qui s’assume, la jeune MC a un petit côté punk qui me plait bien. Oui mais un tube (38 millions de vues sur You Tube), ça ne fait pas tout…
Kreayshawn – Gucci Gucci

Alors je me suis jetée sur son album dés qu’il est sorti. Déjà, la pochette est bien barrée, un bon point !

Au menu, donc 13 titres. Le premier, en français, Blasé Blasé, donne le ton : la prod est complètement folle. Pas étonnant quand on sait qu’elle a fait appel, entre autres, à Diplo, DJ Two Stacks, Adeptus, Jean Baptiste… Comme je suis une fille méfiante par nature, je vais voir du côté des gros feats (en général, c’est de ce côté-là que ça pêche). Raté ! Like It or Love It avec Kid Cudi est un petit bijou tout en montée de pression et en gros beats. Je me retourne donc vers LE duo facile, celui avec 2 Chainz, le mec à la mode outre-atlantique. Breakfast (Syrup) rappelle les meilleurs moments de Roots Manuva version grime. Ca pègue, ça colle dans tous les sens, c’est bien dark, j’adore ! On retrouve des tubes qu’on connaissait déjà comme son Go hHrd. L’album est tellement riche qu’on frise parfois l’écoeurement. Mais comme pour toute bonne chose, Kreayshawn se consomme avec modération.
Kreayshawn – Go Hard (La La La)

1995, rappeurs à suivre…

On les appelle 1995, 1.9.9.5. ou encore Un-Double Neuf-Cinq. Peut importe leur blaze, ces cinq Mcs se sont imposés avec un culot monstrueusement génial comme la relève du rap français. Tout le monde a son avis sur ce nouveau crew. Moi, je me suis défoncée aux 16 titres de leurs 2 EP et je suis devenue accro. Chronique d’une dépendance annoncée…

J’entends déjà très clairement le hipster hip-hopeux de base me dire : « non, mais tu débarques ma pauvre Adeline, les 1.9.9.5, ça fait mille ans que tout le monde connait! » Alors, non, je n’ai pas découvert Sneazzy, Areno Jaz, Alpha Wann, Nekfeu, Fonky Flav’, et DJ Lo’ à la sortie de La suite, leur dernier EP, le 5 Mars dernier. Je vous rassure tout de suite, je sucre pas encore les fraises. Mais je dois avouer qu’il m’a fallut du temps avant de dire : j’adore. Même : j’aime bien. Peut-être parce que les mélodies de ces gamins 100% décomplexés du slip, qui pillent le rap français d’avant en lui faisant un gros doigt, qui se prennent pour des super héros, sont bien plus complexes qu’elles n’y paraissent. Il y a déjà beaucoup de second degré dans les textes de ces quatre garçons dans le vent qui ne se prennent pas du tout au sérieux (si, si, des rappeurs humbles et rigolos, ça existe !). Mais alors leurs prods, principalement backées par DL Lo et Fonky Flav’, ils font s’y plonger dedans pour tout bien entendre. Ici, un saxo sonne, là, des scratches grattent alors que les doux beats accueillent bras ouverts les flows chaloupés ou saccadés de rappeurs dont le talent n’a jamais attendu la nombre des années.

1995 – La Suite

Pour la petite histoire, 1995, est un groupe de rap français originaire de Paris et de sa proche banlieue, Montrouge (92) notamment. Nekfeu (a.k.a. Nek le Fennek), Alpha Wann (a.k.a Phaal), Sneazzy, Areno Jaz, Fonky Flav’ et leur DJ, DJ Lo’ font partie du collectif francilien L’Entourage. C’est au moment de leur signature sur le label de Zoxea ,KDB Zik, que le groupe change de nom, leur P.O.S. étant déjà largement utilisé. 1995 parce que c’est une des années charnières pour le rap français? Ce qui est certain, c’est que le groupe aime les sons à l’ancienne ! Distribué par Universal uniquement sur La Suite, les artistes sont très attachés à leur indépendance. C’est en participant à de nombreux open-mics et Battles (notamment lors des sessions Rap Contenders) qu’ils se sont fait connaitre. Et leur marque de fabrique est tellement forte et originale qu’ils auraient tort de se vendre trop tôt !

Si beaucoup les voient comme de nouveaux Sexion d’Assaut, je trouve pour ma part qu’ils sont un joyeux mélange d’un Orelsan puissance 5 et de groupes oldies genre Les Sages Poètes de la Rue. Ce qui est certain, c’est qu’ils savent faire monter leur buzz. Un an après le EP La Source, ils sortent 8 autres titres, le bien-nommé La Suite. Pour l’album, il va encore falloir attendre un peu.

Bon, j’vous laisse, j’suis en manque, je vais me faire un petit shoot de 1995 en attendant… la suite de La Suite !

Crédits photos : Jonathan Mannion

Andy Kayes vient rapper chez vous…

Non, ce rappeur n’est pas un anglais qui se défonce à la Grime ni le nouveau chanteur de R&B ricain à la mode. Andy Kayes est un Mc français (lyonnais, même) d’exception, qui jongle avec habileté avec les langues de Molière et de Shakespeare. Proche des excellents Gourmets, il partage avec eux la finesse de la technique, du beat original et du flow qui coule. Suite à sa web-série qui a déjà bien buzzé, « J’irai rapper chez vous », l’ex Manimal Instinct a bien voulu parler avec moi de son 1er opus super réussi, Alone In  Numbers

Dis, Andy, avant d’être un chef cuistot solo, t’étais pas un Gourmet, toi ?
Andy Kayes : Pas tout a fait, car ce groupe s’est formé alors que j’habitais encore en Angleterre. Du coup on a toujours bossé en parallèle vu que nous partagions les mêmes beatmakers (Bonetrips et Tcheep) ainsi que le même studio. Ceci explique donc notre grande amitié et nos nombreuses collaborations.

Tu peux nous expliquer les raisons de la transformation de Manimal Instinct en Andy Kayes ?
Andy Kayes
: Je voulais un nom plus représentatif de ma musique… donc plus personnel. Voila pourquoi j’ai choisi de garder mon vrai prénom tout en modifiant mon nom de famille histoire de ne pas trop impliquer mes proches non plus.

Quelles sont les différences entre ces deux identités, rappologiquement parlant ?
Andy Kayes : Même si mes goûts n’ont pas changé en termes d’instru et de structure de morceau, je me livre plus qu’avant. Chaque chanson est une occasion pour moi de rapper sur scène ce que je ne me sens pas de dire dans la vie de tous les jours.

Tu as lâché le français pour l’anglais aujourd’hui. Pourquoi ce choix ?
Andy Kayes
: J’aime beaucoup les deux langues mais le concept de l’album m’est venu lors d’une discussion avec un groupe d’amis à Londres. J’ai d’abord écrit Dreamcatcher et comme je ne voulais pas mélanger le français et l’anglais afin de garder une certaine homogénéité, Shakespeare l’a finalement emporté!

Tu es donc revenu en 2011 avec le projet Dreamcatcher : c’était quoi l’envie ? Le concept ?
Andy Kayes
: Dreamcatcher est plus ou moins basé sur le conte d’Icare. C’est le fait de vouloir aller le plus loin possible même si cela est risqué. Mon but dans la vie est de vivre sans regret et ce concept est mis en avant dans ce projet.

On y trouvait le génial morceau avec Afura, I’m Just A Man. Comment s’est organisée cette rencontre ?
Andy Kayes
: J’avais fait sa première partie à Lyon et on s’était bien entendus. J’étais en pleine préparation d’album donc je lui ai demandé s’il voulait qu’on fasse un morceau ensemble. Je lui ai fait écouter mon couplet et on a beaucoup parlé du concept derrière la chanson. Il a accepté le soir même et on s’est mis au boulot quelques jours plus tard.

Tu t’es senti comment la première fois que t’as entendu ta voix à côté de celle d’un tel MC ?
Andy Kayes
: C’était fou mais ce qui m’a le plus fait plaisir, c’est qu’il ait placé certains éléments de notre première conversation dans son couplet. Je pensais qu’il allait prendre mon projet à la légère mais il a fait tout le contraire, à l’image des trois autres featurings de l’album.

Mêmes questions avec le sûrement aussi impressionnant Mr Lif ?
Andy Kayes
: Mr Lif a toujours été l’une de mes plus grosses influences et je cite souvent son ancien label Def Jux comme l’un des mouvements qui m’a le plus marqué ces dernières années. Il est vraiment ouvert d’esprit et il ne lui a suffit que d’un titre Trail of Tears pour me pondre un couplet parfait.

Andy Kayes – J’irai rapper chez vous # 03 (with Andy Kayes, Yarah Bravo, Amewu, Chefket & DJ Werd)

On t’a aussi croisé sur le net à venir rapper chez les gens. D’où t’es venu cette idée ? De l’émission « J’irai dormir chez vous » ?
Andy Kayes
: J’ai toujours rêvé de voyager par le biais de ma musique et ce concept m’est venu lors d’une discussion avec mon manager. On s’est dit que c’était une bonne manière de mettre différents MCs et beatmakers en avant tout en découvrant de nouveaux styles de rap ainsi que de nouvelles destinations. Le titre de l’émission nous est venu par la suite. En effet c’est un petit clin d’oeil a l’émission « j’irai dormir chez vous »!

Comment choisis-tu les lieux, les artistes ?
Andy Kayes
: Je fonctionne toujours par coup de coeur et le but est de changer de ville a chaque épisode. J’ai la chance de travailler avec une équipe vidéo ultra compétente Aucune Notoriété et j’espère qu’on va continuer à faire du bon boulot sur d’autres épisodes.

Quelle a été ta meilleure et ta plus mauvaise expérience dans ce contexte ?
Andy Kayes
: Ma meilleure expérience était Berlin avec Yarah Bravo. Je ne savais pas du tout a quoi m’attendre et elle s’est débrouillée pour nous ramener des pointures du hip hop allemand. Le contexte était parfait et j’en garde un très bon souvenir. C’est nul mais je ne trouve aucune mauvaise expérience à te raconter… Pourvu que ça dure!

On retrouve sur ces chansons un style très classe, loin d’un certain rap bling bling. C’est important pour toi, de ne jamais tomber dans le « trop » (putassier/bling bling/facile/grande gueule/underground/crasseux – rayer la mention inutile) ?
Andy Kayes
: Mon style de rap est trop personnel pour que je tombe dans le bling bling. Ma vie est loin de tout ça et comme je ne me sens pas de m’inventer un parcours, je me vois mal débarquer avec de grosses chaînes en or dans mon prochain clip!

Question super dure et super nulle (mais je me lance quand même) : aujourd’hui, quelles sont les cinq artistes dont tu te sens le plus proche ?
Andy Kayes
: Cage, Chester P, Jehst, El P, Hollow Da Don.

EN CONCERT LE MARDI 13 MARS à L’INTERNATIONAL (Paris)

Childish Gambino, comico-DJ-rappeur aux 1000 talents

Ne vous fiez pas à cette photo, Childish Gambino adore se mettre en scène. Et non, ce n’est pas une pic’ des années 60, Donald Glover est un Mc bien d’aujourd’hui !

C’est mon coup de cœur de la fin de l’année dernière. Je l’ai découvert, un peu par hasard, sur Deezer. Son album Camp (sorti début décembre 2011 aux States) est déjà en ligne même s’il ne sortira pas, officiellement, en France, avant quelques mois. Qu’importe ! Cet énergumène-là est des plus passionnants, dans sa musique comme dans son parcours…

Après être allée fouiller un peu sur le net, je me suis rendue compte que je n’étais quand même pas la seule à avoir découvert cette petite perle puisque Pitchfork me donne raison en portant Camp aux nues.

Laissez-moi, donc, vous présenter mon petit chouchou de ce début d’année :

Donald Glover n’a absolument rien à voir avec l’acteur Danny Glover. Pourtant, son talent d’acteur n’est plus à démontrer de l’autre côté de l’Atlantique. S’il est aujourd’hui connu pour son rôle de Troy Barnes, la star du foot de la série hilarante Community, sa carrière ne date pas d’hier. Contrairement à ses amis rappeurs ricains, Donald n’a jamais vendu de crack mais est  un bon gros dealer de blagues et de bons mots depuis de longues années. A 22 ans seulement, il écrit déjà de bonnes vannes pour l’émission The Daily Show puis pour la série 30 Rock. Jeune prince du stand-up, il fait partie de la compagnie au nom déjà bien fandard, Derrick Comedy. Mais Donald Glover n’a pas qu’un seul talent. Il se cache sous différents noms pour créer sa musique des plus enthousiasmantes. En tant que producteur de morceaux originaux et ultra bien mixés, il se fait appeler Mc DJ. Ses prods sont taillées au cordeau, entre hip-hop et électro, on adore ! Toujours bourré d’humour et de sarcasmes, il aime écorcher la jeunesse américaine et parler de ses angoisses suicidaires ou alcooliques, tout comme il le fait dans la série Community.

En 2010, il sort un EP bien remarqué, Be Alone. Et le clip du morceau Freaks and Geeks démontre déjà tout le potentiel cynique et d’auto-dérision du rappeur.

Childish Gambino – Freaks and Geeks

Le petit génie sait donc aussi bien tâter du micro que des programmes de la MPC. Il a sorti son premier album, Sick Boi en 2008, puis Poindexter en 2009, les mixtapes  I Am Just A Rapper et I Am Just A Rapper 2 en 2010 et le 3ème album Culdesac la même année. En France, c’est avec l’album Camp qu’on va le découvrir.  Celui qui a créé son blaze grâce à un générateur de noms balancé sur le web par le Wu Tang Clan nous offre 13 titres tous différents, de l’angoissant Bonfire au joyeux Sunrise en passant par le plus doux et dance Heartbeat et le très enfantin, carrément R&B Kids. Le flow est ultra précis, nasillard et douloureux, faisant penser à un mélange entre Eminem et Lil Wayne. Du côté des prods, on est dans le tellement travaillé qu’on pense forcément à Kanye West ! Et côté textes, on trouve de la tendresse, de l’humour, de l’ironie, de l’analyse de notre monde actuel. C’est tellement bon qu’on aimerait pouvoir se rouler dedans.

Mon morceau préféré à moi , c’est Outside, un truc bien choral où l’on ressent vraiment bien le mélange Lil Wayne-Kayne West-Wiz Khalifa. Alors, je fais tourner allègrement!

Childish GambinoOutside